Tourbière de Baupte

Entre greenwashing de l’exploitant et défaillance de l’État, comment peut-on encore parler de l’avenir de ce milieu

Par un arrêt du 13 janvier 2021, la Cour d’appel de Caen a condamné plus sévèrement la Florentaise et son dirigeant pour destruction d’espèces végétales protégées par extraction de tourbe. Après avoir confirmé le jugement du Tribunal correctionnel de Coutances du 15 octobre 2019 sur leurs culpabilités, la Cour apprécie la peine du dirigeant à 4 000 € d’amende (ferme) (au lieu de 6 000 € dont 4 000 € avec sursis) et la peine de la société à 20 000 € (ferme) (au lieu de 20 000 € dont 10 000 € avec sursis). Par ailleurs, elle confirme les dommages et intérêt en réparation du préjudice invoqué par Manche-Nature.

Le silence de l’administration sur ce dossier ne manque pas d’interroger. Le Préfet de département a en charge la police administrative spéciale des espèces protégées avec l’appui des DREAL. Or, les services compétents de la DREAL Normandie n’ignorent pas l’existence d’espèces protégées et les conséquences de l’exploitation du marais de Sainte-Anne constituant leur habitat. Elle n’a pas réagi en 2015 lors de l’intention de la société d’exploiter ce milieu. Elle n’a pas plus bougé suite à l’audition de ses agents dans le cadre de la procédure pénale contre la Florentaise confirmant la présence d’espèces protégées sur le casier S1. Elle a continué à dysfonctionner après que le jugement du Tribunal correctionnel de Coutances ait donné lecture du droit. Profitant certainement de cette défaillance de l’administration, la société a continué l’exploitation du marais de Sainte-Anne à l’automne 2020, sans être interrompue par le Préfet ni mise en demeure de déposer un dossier de dérogation. Cette tolérance n’a pas échappé à la Cour d’appel, qui n’a pas hésité à la dénoncer dans son arrêt. L’association envisage de déposer plainte pour ces nouveaux faits.

Si une mission interministérielle a été désignée pour parler du devenir de la tourbière en fin d’année 2020, elle arrive plus de 10 ans trop tard :

  • sur le volet biodiversité, si les associations environnementales s’accordent sur le fait qu’il faut s’attacher à retrouver un milieu tourbeux de qualité, l’exploitation d’une partie du marais de Sainte-Anne rend l’exercice plus difficile, voire impossible (diminution du stock de graine, niveau d’eau différent…) ;
  • sur la qualité des eaux, y compris alimentaire, l’exploitation du marais de Sainte-Anne présente un risque important, puisqu’il constitue un bouchon de protection de l’aquifère du bassin de la Sève, utilisé pour l’alimentation en eau potable. Aucune évaluation des incidences de son exploitation n’a porté sur ce point ;
  • sur l’urbanisme, du fait des pompages, l’affaissement des terrains s’avère aujourd’hui inquiétant sans que l’État ne s’en émeuve. Or, il en va de la protection des maisons riveraines.

À se demander si la latence de l’administration n’a pas été délibérée pour servir avant tout des intérêts privés au détriment de l’intérêt général.

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