Extension de la carrière du COSNICAT, pourquoi faire?

Cette carrière actuellement située sur la commune de Jullouville et exploitée par la société PIGEON GRANULATS NORMANDIE verra son gisement épuisé en 2022.

En conséquence, pour satisfaire aux besoins incessants du BTP et des bétonneurs de tous poils, une extension pour 30 ans est sollicitée sur la commune voisine de Saint-Pierre-Langers.

Cette extension est prévue sur une surface de 18 ha, dont 15 ha en zone agricole et 3 ha en zone naturelle.

Tout de go le dossier de concertation précise, pour justifier cette extension, que les terrains sont situés en dehors des zonages Natura 2000, ZNIEFF, IGPN… Donc pas de problème pour artificialiser ces terres, puisque ce sont seulement 18 ha de terres agricoles et naturelles, supplémentaires qui vont disparaître.

Mais ce sont aussi 18 ha de BIODIVERSITÉ qui seront dévastés.

Pour ce faire, il est toutefois nécessaire de modifier le PLU (Plan Local d’Urbanisme) de Saint-Pierre-Langers, c’est pourquoi un processus long (et tant mieux), doit être mis en place avant d’arriver (ou pas) à cette extension.

L’artificialisation des sols

Ce qu’il faut avoir à l’esprit c’est que cette extension de carrière va donc consommer 18 ha de terres agricoles et naturelles, mais que le passage de la 2X2 voies Granville-Avranches (actuellement en cours de réalisation sur St-Pair s/Mer) va consommer 40 ha rien que sur Saint-Pierre-Langers.

Soit au total 58 ha de terres agricoles et naturelles.

Connaissant le désastre obtenu avec les déviations de Sartilly et surtout celle de Marcey-les-Grèves-Ponts initiées et orchestrées par le Conseil Départemental largement soutenu par les communautés de communes traversées, il est difficile de penser que le département de la Manche a compris ce que signifie :

1) ÉVITER – RÉDUIRE – COMPENSER

2) ARTIFICIALISATION ZÉRO par le plan pour la biodiversité de juillet 2018, confirmé par la circulaire gouvernementale du 29 juillet 2019.

Le foncier

Par quel artifice la SAFER va-t-elle autoriser la vente des terres agricoles et naturelles à un non agriculteur, à moins que ce dernier, prudent, ne signe une promesse d’achat sous condition suspensive d’obtention de l’autorisation préfectorale d’extension.

La 2×2 voies Granville-Avranches

Ou le désastre annoncé en sacrifiant des terres agricoles, naturelles et forestières, ainsi que le maillage bocager qui s’y trouvait ou s’y trouve, sans aucune concertation, sans proposition de solutions alternatives, aboutissant sur le tronçon Marcey-Ponts à une fréquentation ridicule et surtout exempte de poids lourds.

En gros, tout ça pour ça ?

Donc on apprend, toujours dans le dossier de concertation, qu’une grande partie des granulats seront utilisés pour cette 2×2 voies, et que certains déchets inertes rejoindront le fond de la carrière !

Quelques citations issues du dossier de concertation :

« – La carrière de Cosnicat fournit les granulats indispensables au marché du BTP du territoire de la Communauté des Communes de Granville Terre & Mer. Le site vend entre 350 000 et 400 000 tonnes de granulats par an. Il peut donc de façon théorique répondre à la totalité des besoins sur le territoire intercommunal. La clientèle de la carrière inclut principalement des entreprises locales : artisans, entreprises de terrassement, canalisateurs, entreprises routières, industriels du béton. En 2015, 402 entreprises de construction étaient situées sur le territoire de l’intercommunalité (INSEE – CEN T1 – données du 31/12/2015).

– Les besoins en capacités de stockage en matériaux sont importants dans le Sud du département et dans la Communauté de Communes et sont à associer avec les différents projets de chantiers du BTP générant des déchets inertes dont le projet de 2×2 voies pour la RD n°973.

Le projet de 2×2 voies entre Granville et Avranches souligne les différents arguments présentés ci-avant.

Le projet de la RD n°973 consiste à créer 17 kilomètres de 2×2 voies sur 10 ans. Il est donc associé à un énorme besoin en granulats de bonne qualité mais également en capacité de stockage pour les matériaux inertes déblayés (700 000 m³). L’extension de la carrière de Cosnicat satisferait ces deux besoins.

De plus, le projet d’extension est situé au plus près à environ 70 m du projet. La proximité de la carrière du projet de 2×2 voies permettra de limiter le transport des matériaux et ainsi de respecter le concept de circuit court »

Tout ceci est parfaitement limpide, il s’agit principalement de fournir les granulats pour la 2×2 voies et stocker des déchets inertes.

Les justifications communales et communautaires :

« Par délibérations n° 2020/59 en date du 27 novembre 2020 et n°2020-173 en date du 17 décembre 2020, la Commune de Saint-Pierre-Langers, associée volontairement à la procédure, et la Communauté de communes GRANVILLE TERRE ET MER, compétente en matière de PLU, ont rappelé que la concertation s’inscrivait dans la poursuite des objectifs suivants :

. ➔ permettre la poursuite de l’exploitation de la carrière de Cosnicat sur la Commune de Saint-Pierre-Langers en autorisant son extension ;

. ➔garantir l’approvisionnement de granulats en circuit-court pour alimenter les chantiers locaux du BTP ;

➔  prendre en compte les enjeux environnementaux du territoire, notamment les enjeux paysagers de biodiversité ;

➔  prendre en considération la préservation des espaces agricoles et naturels ;

➔  s’inscrire dans la maîtrise du risque climatique. »

Au moins c’est clair sur les objectifs des deux premiers points, quant aux trois suivants on ne peut être que déconcerté ou en désaccord total.

NDLR : Cet article a été rédigé le 11 février 2021.

Extension de la carrière Cosnicat et concertation

Le délicat sujet de l’extension de cette carrière (ou pas) a déjà été évoqué dans l’article ci-dessus.

La concertation du public évoquée dans l’article se déroule en deux temps, la première sur le principe de l’extension, la deuxième sur la modification du PLU de Saint-Pierre-Langers que cela induit.

Cette première concertation a donc eu lieu, et, malgré le constat des avis « globalement défavorables », lors de la dernière réunion du conseil communautaire de Granville Terre et Mer, les élus ont adopté le principe de la continuation du projet.

Ledit conseil a donc validé le lancement de la procédure de mise en compatibilité du PLU de Saint-Pierre-Langers pour effectuer l’extension de la carrière Cosnicat.

Une nouvelle procédure de concertation doit donc avoir lieu pour recevoir l’avis du public sur cette modification du PLU.

Il est par contre surprenant, comme le révèle La Manche Libre du 5 juin 2021, d’entendre dans la bouche du vice-président de la CC GTM « Granville Terre et Mer compte 44 000 habitants et il me paraît logique de ne pas s’arrêter sur une trentaine de réponses venant des riverains » ? D’une part, ils sont les premiers concernés, d’autre part c’est oublier les avis négatifs des associations environnementales notamment MANCHE NATURE et GRANVILLE ET PAYS DE GRANVILLE ENVIRONNEMENT, enfin, c’est faire peu de cas de cette concertation, puisque même majoritairement défavorable, les élus communautaires ont voté la continuation du projet, sur les propositions du porteur du projet suivantes :


« –  la co-construction du traitement du site actuel au terme de son exploitation, selon une méthodologie à arrêter avec la collectivité ;
–  la finalisation de la doctrine de compensation agricole à arrêter avec les autorités compétentes, notamment :
– stricte compensation surface pour surface,
– indemnisation de tout préjudice lié à un allongement des trajets,
mise à disposition gratuite des surfaces impactées dans l’attente de la réalisation des travaux, selon le phasage envisagé ;
–  la poursuite des discussions avec les propriétaires riverains concernés ;
–  la prise en considération des demandes des tiers (riverains non directement concernés mais potentiellement impactés par des nuisances ; tout tiers ou association de défense de l’environnement) dès la phase de conception du projet. »

dossier société Pigeon

« … tout est vu du point de vue du porteur du projet et non du point de vue de ceux qui ont été consultés … »

M. Mansour, maire de Carolles

Il faut donc constater que les avis notamment défavorables de surcroît majoritaires, ne sont pas transmis aux élus, par contre les contre-propositions du porteur de projet oui !

Il est intéressant d’analyser le courrier envoyé par la FDSEA de la Manche pour la concertation, qui rappelle le principe « éviter-réduire-compenser » afin de réduire au maximum l’emprise du projet sur les terres agricoles, mais qui demande la prise en compte, pour les 3 exploitants agricoles concernés, de la mise en place de la compensation agricole collective ! Donc on passe direct de Éviter à Compenser, curieux non ?

Toutefois deux réflexions d’élus sont à prendre en compte, afin de comprendre ce qui se passe au sein de ce conseil communautaire, celle du Maire de Carolles, Monsieur MANSOUR notamment sur le contournement des avis défavorables et celle de Monsieur VIEL (élu donvillais) qui plaisante en disant « on nous propose de voter, donc il y a le choix ou on doit forcément voter oui ?». Monsieur MANSOUR enfonçant un peu plus le clou « la non réalisation apporte un bénéfice du point de vue écologique » ou encore « tout est vu du point de vue du porteur du projet et non du point de vue de ceux qui ont été consultés »

« on nous propose de voter, donc il y a le choix ou on doit forcément voter oui ?»

M. Viel, élu donvillais lors du conseil communautaire GTM

En clair, les votes sont orientés dans un sens, ce qui n’est pas nouveau dans ce conseil communautaire renouvelé en partie depuis juin 2020 où auparavant les votes avaient pratiquement tous lieu à l’unanimité, curieux fonctionnement de la démocratie, surtout lorsqu’il s’agissait d’approuver ou non des documents d’urbanisme.

La 2×2 voies abandonnée sur son tracé actuel, ne nécessite pas cette extension, quant au chantage à l’emploi il est urgent de se tourner vers d’autres activités avec pour point de mire le réchauffement climatique et la transition écologique.

Pour ceux qui ont le temps, visionner les réunions du Conseil Communautaire est édifiant sur les pratiques démocratiques ayant cours dans cette assemblée, où le tchat permet à certains techniciens ou élus d’orienter les votes alors que tout devrait se passer en assemblée, même par visioconférence.

Toutefois cette pratique anti démocratique existe aussi dans les autres réunions en visioconférence et c’est encore plus navrant quand les tchateurs n’ont pas droit de vote !

On est loin de la démocratie directe et participative.

Ce n’est pas en multipliant les infrastructures que la sécurité routière va s’améliorer, mais peut être en envisageant une utilisation différente et un aménagement différent de l’existant.

La logique est d’arriver à une artificialisation zéro, et le projet propose d’artificialiser des terres agricoles et naturelles !

Dossier à suivre donc lorsque la concertation sur la modification du PLU va démarrer.

NDLR : cet article a été rédigé le 8 juin 2021.

Joël Bellenfant

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