Bergerie de GENÊTS, la grande entourloupe.

Depuis quelques semaines, les médias survolent « l’affaire de la bergerie » en ne reprenant que le point de vue de l’éleveur et ses soutiens. Il serait « persécuté par Manche-Nature » comme l’affirmait un hebdomadaire du département. Il est grand temps que la presse se saisisse de l’ensemble du dossier.

La construction est illégale et Monsieur CERBONNEY le savait.

Il le reconnaît lors de son audition le 03 mars 2009 dans les locaux de la gendarmerie de SARTILLY :

« Je reconnais que le fait d’avoir exécuté des travaux non autorisés par un permis de construire constitue un délit pénal ».
(Document Audition de la gendarmerie)

Au cours de cette audition, Monsieur CERBONNEY énumère les différents refus de permis de construire auxquels il a été confronté et indique que de plus, il a aménagé un chemin d’accès de 160 mètres. Les gendarmes, dans leur procès-verbal dans le cadre de l’enquête préliminaire, daté du 02 mars 2009, décrivent le bâtiment en construction et note : 

« On y accède par un chemin constitué de remblai qui a été mis en place en rehaussement à partir du chemin pédestre dit chemin des PORTEAUX ». (Procès-verbal rédigé par la gendarmerie).

Monsieur CERBONNEY a donc, en toute conscience mené deux actes illégaux, la construction de la bergerie d’une part, l’accaparement et l’encaissement par l’apport de matériaux d’un chemin pédestre d’autre part, transformé par lui pour y circuler avec des engins.

Les promesses n’engagent que ceux qui y croient.

Lors de son audition, Monsieur CERBONNEY fait référence aux soutiens des élus de la région :

« J’ai reçu pour ce projet le soutien des élus de la région, notamment M. le sénateur BIZET et les conseillers général et régional ainsi que l’appui du maire de GENÊTS.
D’ailleurs M. BIZET viendra, courant mars 2009, accompagné du directeur départemental de l’Équipement, afin de faire valider ma construction. Des modifications du permis de construire seront faites afin de le rendre conforme à la construction réalisée ».

Monsieur CERBONNEY indique, donc, qu’il ne se serait pas lancé dans ces actes illégaux sans le soutien d’élus qui sont, de par leurs mandats, garants du respect de la Loi. Parallèlement, il est à noter que le sénateur BIZET cherchait à cette occasion à faire passer un amendement pour réduire la portée de la Loi Littoral.

Cette construction illégale devait servir de point d’appui à la chambre d’agriculture pour développer « un projet de modernisation des installations pour l’élevage de pré-salé dans la Manche ».

La chambre d’agriculture en 2009 présentait un guide – ressource pour l’implantation des bergeries sur la zone littorale avec une lettre introductive signée par le Préfet de la Manche, le Président du Conseil départemental et le Président de la Chambre d’agriculture. Il considère que seuls ne seront viables les troupeaux de plus de 300 têtes et qu’une bergerie moderne, c’est un bâtiment d’environ 800 m² ».

Ce guide constate dans sa partie 2 les aspects réglementaires de la Loi Littoral, des sites classés et des sites inscrits, des ZNIEFF 1 et 2, des réglementations locales, le tout étant considéré comme autant d’obstacles à la construction de ces bergeries. Dans cette même partie il conseille les collectivités territoriales afin de contourner les obstacles des différentes réglementations, dont la loi Littoral pour implanter ces « bergeries modernes ».
Ce projet, qui semblait être oublié, est réapparu lors d’une rencontre à la DDTM le 30 avril 2019.
L’implantation de la bergerie de Monsieur CERBONNEY devient donc un cas d’espèce pour obtenir d’autres dérogations pour contourner la loi Littoral et les réglementations de protection des espaces.

Monsieur CERBONNEY et l’AOP des Pré-salés du Mont Saint-Michel et des havres du Cotentin .

Monsieur CERBONNEY et ses ami-es font souvent référence à cette Appellation d’Origine Protégée pour justifier la nécessité d’une bergerie au plus près des herbus. La consultation du site de l’association porteuse de cet AOP démontre que Monsieur CERBONNEY n’est pas détenteur de cet AOP. Les 10 éleveurs (5 en Bretagne, 5 dans la Manche) respectent tous et toutes la loi Littoral et ses contraintes.
Il est donc mensonger d’affirmer que les contraintes de l’appellation nécessitent de maintenir la bergerie à cet emplacement.

L’Administration n’a pas fait preuve de ses capacités de recherche pour imposer des solutions.

En juin 2015, à l’initiative de Manche-Nature, s’est tenue une réunion sous la présidence de Madame la sous-préfète d’Avranches, pour envisager une solution de repli de la bergerie sur un parcellaire en dehors des sites classés et des espaces remarquables du littoral. Madame la sous-préfète avait demandé à la SAFER et à la DDTM de se mobiliser pour ce faire. Malgré nos relances, nous sommes toujours dans l’attente de ces propositions.

Celles et ceux qui soutiennent M. CERBONNEY pourraient de bon droit interroger ces services sur l’état de leur recherche et leur demander si des propositions ont été faites à M. CERBONNEY et quelles ont été ses réponses.
De même, ces services ont-ils regardé l’état patrimonial de Monsieur CERBONNEY ?

Faute de réponse des autorités compétentes, c’est ce que nous avons fait !

Et nous découvrons que le « pauvre » berger a un parcellaire suffisant pour déménager le bâtiment.

À la lecture de l’état hypothécaire en date du 22 avril 2021 nous avons pu lister le patrimoine immobilier du « pauvre » berger. Ce patrimoine a été constitué entre 2001 et 2020.
Sur Genêts, il possède près de 14 hectares (13 ha 87 a 23 ca) regroupés autour de la parcelle A n° 246, – celle qui reçoit la construction illégale-, et ce, compris les parcelles formant l’accès à son bâtiment. Cet accès lui avait été imposé par le permis de régularisation de 2011, qui a été annulé par la justice.
Ces parcelles sont en zone Nr (espaces remarquables terrestres). Dans tous les actes, qu’il a signé, il a été informé du zonage de ces parcelles.
Sur Vains, il possède une maison de caractère dans le style de celles du bourg de St-Léonard (Commune de Vains) située au bord du DPM – Domaine public Maritime-estimée 196 500 Francs en 2001.
Il est également propriétaire de cinq parcelles en prairie pour une surface de 3 ha 97 a 20 ca située en zone N du PLUi, mais hors site classé ou espace remarquable, et à environ 400 m en ligne directe des herbus.

Il a donc une solution de repli pour déménager son bâtiment et qui plus est, sur un parcellaire qui lui appartient en propre.

Étonnant que les services de l’État ne se soient pas penchés sur cet état de patrimoine. Il suffisait qu’ils négocient un droit de passage pour aller de ces parcelles aux herbus.
Négociation qui aurait pu être menée par la SAFER dont c’est le rôle. La même qui n’a pas pipé mot quand le berger a échangé trois parcelles sur Vains contre d’autres sur Genêts alors que de droit, elle en a été informée. Seule la route qui va de St Léonard à Genêt sépare deux de ces parcelles de l’ensemble se situant sur la commune de Genêts.

Monsieur CERBONNEY a toujours été de mauvaise foi.

Après avoir épuisé tous les recours juridiques, Monsieur CERBONNEY a interjeté appel auprès de la cour d’appel de CAEN contre la décision du tribunal de grande instance de COUTANCES rendue le 1er juin 2017.

Dans son ordonnance, le magistrat de la mise en état indique :

« Le rappel de la chronologie des faits et procédures témoignent de la manifeste mauvaise foi de l’intéressé et de son obstination à ne pas exécuter les décisions rendues à son encontre.. » (Ordonnance du 20 juin 2018, Cour d’appel de CAEN)

Sur la nouvelle demande de permis, les dernières déclarations du sous-Préfet et du député SORRE n’apaisent en rien la situation.

Courant octobre 2020 en sortie de CDPENAF (commission départementale de la préservation des espaces naturels agricole et forestier) le sous-préfet d’Avranches interpelle Manche Nature, qui y siège, à propos de la Bergerie. Il suggère, après s’être rendu sur place, l’implantation de deux bergeries légères d’environ 400 m² chacune. Nous prenons acte de cette information.

Courant novembre nous recevons une copie du certificat d’urbanisme obtenu par M. CERBONNEY le 20 octobre 2020 pour la construction de 2 bergeries légères. Ce certificat dit en substance :
— À l’article 1 : Le terrain (de la bergerie illégale) pourra être utilisé pour la réalisation de l’opération envisagée. Toutefois le pétitionnaire est informé que la future demande de permis de construire devra obtenir un accord ministériel après avis de la CDNPS (Commission départementale de la nature, des paysages et des sites) où siège également Manche-Nature.
— À l’article 2 : Le terrain prévu est situé dans une commune dotée d’un plan local d’urbanisme intercommunal. Il est en zone NB – zone naturelle dédiée aux bergeries de pré salé. Il est grevé des servitudes d’utilité publique, à savoir un périmètre de protection relative aux sites classés/inscrits et il est concerné par le risque de submersion marine.
De plus ce terrain est situé dans une commune ou la loi Littoral s’applique sur l’ensemble de son territoire.
Courant mars 2021 (le 24) M. CERBONNEY a déposé une demande de permis dans l’esprit et la forme du Certificat d’Urbanisme du 20 octobre 2020.

Dans un article paru dans LA GAZETTE le 28 avril 2021, le député Bertrand SORRE déclare que l’association Manche-Nature « est dans son bon droit » et estime que « le permis n’était pas légal ». Un peu plus loin il déclare « il faut que l’on trouve le dispositif légal. L’élevage ovin fait partie de notre patrimoine. La bergerie a lieu d’être ici… » puis « le fait de protéger les littoraux me paraît très bien ».
Comprend qui pourra, ces déclarations contradictoires dans un même article, mais de toute évidence, il ménage « le mouton et le chou » !
De plus, il est indiqué dans l’article « le député va argumenter auprès de la ministre de la Transition Ecologique Barbara POMPILI ». Lorsque le nouveau permis de construire sera déposé ?
De son côté le sous-préfet ne chôme pas. Il déclare dans le même article « François CERBONNEY a fait une demande pour une nouvelle bergerie. Il n’est pas resté inactif. La bergerie est légère. Il n’y a pas de béton. C’est du bois et de la paille en bois » (SIC). Plus loin, le journaliste mentionne : « la préfecture donne un avis favorable pour ces raisons » à savoir « les moutons entretiennent les herbus de la baie ».
Le sous-préfet et le député prennent donc des engagements pour maintenir la bergerie illégale (coupée en deux) sur le même parcellaire alors que les deux commissions départementales (CNDPS et CDPENAF) ne se sont pas encore prononcées sur cette demande de permis qui ressemble étrangement à celle de 2009 qui a été retoqué par la justice. Drôle de conception de la concertation.

La bergerie : un coin enfoncé dans la loi Littoral.

La loi Littoral n’est pas seulement une loi de protection des paysages. Elle encadre l’urbanisation pour préserver la nature et l’homme. Elle est née des erreurs passées. Selon la localisation et les caractéristiques des espaces, les conditions d’urbanisation sont plus ou moins strictes. Les espaces les plus fragiles, dit remarquables, sont ainsi inconstructibles.

Des exceptions sont possibles. Elles sont extrêmement limitées de manière à maintenir le caractère naturel des sites. Leur altération ou leur dégradation, en particulier par l’artificialisation du sol, fait sortir les parcelles des espaces remarquables strictement protégés par la loi. Le mitage de ces milieux, entraîne à terme, la suppression de la protection de l’intégralité de la zone et son ouverture à l’urbanisation.

Maintenir une stabulation de presque 1 000m² – la bergerie de Mr CERBONNEY en l’occurrence – implantée en toute illégalité (sans autorisation, après plusieurs refus de permis de construire du fait de l’inconstructibilité de la zone) est un danger pour la préservation du site remarquable de la baie du Mont Saint-Michel.

Ce passage en force, soutenu par les élus locaux, est aussi un signal fort pouvant conduire d’autres porteurs de projet à pratiquer cette même technique du fait accompli et à multiplier les dégradations de ces milieux sur l’ensemble des côtes de la Manche. Autrement dit, « pourquoi lui et pas moi », puisque nous sommes tous, en principe, égaux devant la loi.

Ces milieux littoraux font l’objet d’une forte pression foncière. Malgré son vote à l’unanimité en 1986, les tentatives d’assouplissement de cette loi n’ont ainsi cessé. Elles se sont même renforcées ces dernières années. Chaque loi est bonne pour faire passer un amendement permettant d’amoindrir les protections. Les élus de la Manche, et en particulier du sud du département, ont régulièrement tenté d’«éroder » ainsi la loi littoral, en s’appuyant sur l’image symbolique d’un berger et de ses moutons, et occultant le fait qu’il s’agit ici en réalité d’urbanisation et de stabulation.

Les autorisations de laisser paître les agneaux sur les herbus n’est en effet nullement remise en cause. Si certains amendements sont passés, la stricte protection des espaces remarquables a jusqu’à aujourd’hui été maintenue dans l’intérêt général. Le caractère fondamental de cette protection a justifié que les constructions et aménagements illégaux sur ces sites fassent l’objet d’une démolition (encadrée par la justice). Ce n’est pas le cas d’autres zones de la loi littoral où les lieux ne peuvent être remis en l’état. Nous apprenons par la presse qu’à l’occasion de la médiatisation de cette affaire il est à nouveau tenté d’amender la loi.

Outre le projet de la chambre d’agriculture d’obtenir des dérogations pour construire des bergeries au plus prêt de l’estran, une commune du littoral souhaite recentrer son golf au plus près du rivage. Le Maire d’Avranches, soutien inconditionnel de Monsieur CERBONNEY, lui, est fort marri de s’être vu retoquée par les services de l’État sa volonté d’accorder des permis de construire à un « Fast-Food » sur des espaces protégés par la loi Littoral.

Le 5 mai 2021, Le Bureau de Manche-Nature

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