Animation : Alain Livory & Roselyne Coulomb
Bien que cette sortie fût réservée aux membres de l’association et qu’elle se déroulât un jour de semaine, nous étions une vingtaine de personnes au rendez-vous, à la découverte des milieux dunaires de la pointe d’Agon. Le programme, éclectique comme souvent maintenant en raison de biodiversité régressive, abordait aussi bien la flore que la faune spécifiques de ces milieux, vertébrés et invertébrés.
Le fort vent soufflant quotidiennement depuis de longs jours déjà nous a contraints à éviter la dune mobile et l’estran, trop exposés et nous nous sommes repliés dans les chemins et charrières de la dune grise où les buissons d’ajoncs et de troènes nous abritaient du bruit et des turbulences. Dommage pour les plantes du haut de plage mais la richesse insoupçonnée de cette mosaïque de milieux dunaires a recelé de quoi captiver largement l’attention des participants.
A peine sortis de nos véhicules garés près de l’ancienne ferme Bordes, désormais propriété du Conservatoire du Littoral, nous sommes accueillis par le discret roucoulement de la tourterelle des bois. Ce bel oiseau qui, tout comme le coucou présent lui aussi dans le lointain, voit ses effectifs chuter drastiquement d’année en année, honore encore de sa douce présence les mielles arborées de la Pointe d’Agon. Guère d’oiseaux exceptionnels à part cela mais tous les fidèles des fourrés littoraux sont au rendez-vous : le serin cini nous fait son vol de chauve-souris, l’hypolaïs polyglotte égrenne ses notes complexes , bec largement ouvert exhibant l’intérieur de sa gorge orange vif, le bruant zizi arbore les chatoyantes zébrures de sa tête perché bien en vue au sommet d’un buisson, le traquet pâtre chasse la mouche depuis les poteaux de clôture et les trois fauvettes, à tête noire, des jardins et grisette, nous donnent l’occasion de comparer leurs chants respectifs. Tout cela avec en fond d’orchestre la mélodie ininterrompue de l’alouette des champs, suspendue au ciel, rythmée par le métronome infaillible de la cisticole des joncs, toutes deux nicheuses de la dune, tandis que passent en trombe quelques martinets et hirondelles rustiques.
Toutes les plantes caractéristiques de la dune fixée retiennent notre attention, chacune offrant à une cohorte d’insectes, qui leurs floraisons, qui leur sève, qui leurs graines, qui l’abri de leur végétation, à chacun sa niche écologique. Orchis bouc (Himantoglossum hircinum), sauge fausse verveine (Salvia verbenaca), vipérine (Echium vulgare), roquette sauvage (Diplotaxis tenuifolia), chardon Roland (Eryngium campestre), liseron des dunes (Convolvulus soldanella). Impossible d’énumérer ici l’exceptionnelle variété des taxons rencontrés… mais pour finir en beauté, à plat ventre sur la pelouse rase, parmi le serpolet, la mibora naine et d’autres plantes lilliputiennes, nous notons avec bonheur la présence du minuscule et rarissime buplèvre des dunes (Bupleurum baldense), étrange petite apiacée atypique [illustrée ci-dessous].
Parmi les insectes, nous croisons la route fantasque des jolis papillons bleus de la dune, Polyommatus icarus et Celastrina argiolus (lépidoptères Lycénidés), admirons longuement un mâle de Libellula depressa (odonates) prenant la pause pour nos photographes. Tous rivalisent de couleurs brillantes souvent métalliques pour capter notre attention : Cryptocephalus sp., Oedemera nobilis, en habit vert rutilant, les deux cétoines Oxythyrea funesta et Valgus hemipterus sur apiacée et aubépine, l’énorme xylocope violet (Xylocopa violacea) amateur de fabacées et la délicate ammophile des sables (Ammophila arenaria) en quête de chenilles pour sa ponte. Sur les sables nus, la fantomatique mouche Acrosathe annulata [illustrée ci-dessous] arbore quant à elle une livrée blanche parfaitement cryptique.
Ce ne sont que quelques observations notables parmi beaucoup d’autres faites ce jour-là pour le plus grand plaisir de tous et une fois encore notre objectif a été, en partageant nos connaissances, d’apprendre aux participants à ouvrir grand les yeux sur notre monde magique et à savoir surprendre la vie fascinante qui anime ce qui n’est souvent qu’un simple décor vert pour le promeneur ordinaire. La cerise sur le gâteau étant de pouvoir mettre un nom sur chaque découverte.
[vous trouverez plus d’informations concernant certaines de ces espèces en cliquant sur leurs noms ci-dessus – attention, ouverture de nouvelles fenêtres]
Roselyne COULOMB
photos : Jacques Alamargot, Jan Wikramaratna, Alain Livory