Le RDV était fixé à 9h45, près du restaurant La Cale à Blainville-sur-Mer. Le réveil était un peu difficile, dû au manque de sommeil : j’avais passé une partie de la nuit à inventorier tritons, grenouilles et crapauds avec des collègues. Heureusement, le soleil était de la partie ! Je ne suis arrivée que sur le coup des 10 heures. Le groupe, comprenant 7 participants, était déjà en place derrière le restaurant, observant les bancs de sables cernés par l’eau, au nord.
Alain LIVORY et Roselyne COULOMB présentaient les premières espèces observées : une vingtaine de grands cormorans (Phalocrocorax carbo) et une quatorzaine de bernaches cravants (Branta bernicla) de la sous-espèce hrota, au ventre pâle (merci Roselyne ! ), se tenaient en retrait. Ces dernières, qui nichent au Groenland et au Canada, hivernent en petit nombre en France, presque entièrement dans les havres qui parsèment la côte occidentale de la presqu’île du Cotentin, dans la Manche. On la distingue de la sous-espèce bernicla, qui, elle, a le ventre sombre, niche en Sibérie et reste plus commune en Europe.
Bien que les cormorans et les bernaches fussent plus éloignés, ils attiraient d’abord l’œil en raison de leur taille plus importante. Mais des centaines d’huîtriers pies (Haematopus ostralegus), de courlis cendrés (Numenius arquata), de pluviers argentés (Pluvialis squatarola) et de bécasseaux sanderlings (Calidris alba) se tenaient devant eux. Tout ce petit monde se reposait au soleil, écoutant le rythme des vagues… ensemble… mais pas tout à fait : les différentes espèces se mélangeaient peu. Deux goélands marins faisaient même bande à part sur la gauche, reconnaissables à leur imposante silhouette et à leurs ailes sombres.
Une brise légère agitait de temps à autre la longue-vue d’Alain. J’installai la mienne à côté. Une aigrette garzette (Egretta garzeta) volait tranquillement sur notre droite, le cou replié à la manière des hérons. Une alouette des champs (Alauda arvensis) chantait au vol derrière nous. Alors que je faisais la mise au point sur les becs rouges de quelques huîtriers pies et sortait mon guide ornithologique pour montrer les différentes espèces à une dame près de moi qui débutait en la matière, Alain proposa de se cacher derrière les bâtiments, à l’abri du vent qui ne facilitait pas les observations.
Une fois dans des conditions plus confortables, nous remarquions alors certaines espèces plus discrètes : quelques bécasseaux variables (Calidris alpina), des tournepierres à collier (Arenaria interpres), une quinzaine de sternes caugeks (Sterna sandvicensis) avec leurs coupes de punk et une barge rousse (Limosa lapponica) qui a bien voulu, finalement, nous montrer son long bec en sortant de la sieste. Nous avons également scruté la bande de courlis afin de vérifier si quelques corlieux (Numenius phaeopus) à la tête barrée ne se cachait pas parmi eux. Alain nous indiqua que s’il y avait parfois de l’agitation au sein d’un tel groupe, il s’agissait souvent de l’œuvre d’un rapace, quelques fois un faucon pèlerin.
Soudain, Roselyne aperçut un vol de grands gravelots (Charadrius hiaticula). J’eus l’impression de jouer à une nouvelle version de « où est Charlie ? », ces livres d’images dont le but est de retrouver un personnage rayé de rouge et de blanc ainsi que ses amis et objets cachés dans un décor complexe et au sein une foule animée. Il ne fut pas aisé de retrouver ces gravelots à la longue vue. D’ailleurs, je n’y réussis pas. Mais en inspectant les grains de sables, apparut, tout d’un coup, un couple de gravelots à collier interrompu (Charadrius alexandrius). J’appelle Alain, qui confirme mon observation et ajoute que c’est le premier couple observé de l’année, ce qui ne manque pas de faire monter en moi une petite fierté enfantine. Je note qu’il faudra faire bien attention, dans quelques temps, à ne pas écraser leurs œufs sur la plage.
Trois goélands cendrés (Larus canus) survolent la mer à notre gauche. Roselyne nous explique la différence avec les goélands argentés (Larus argentatus) (dont nous observons aussi quelques spécimens) : le goéland cendré est plus petit, de la taille d’une mouette. Je laisse ma place à la longue-vue pour rentrer nos observations sur NaturaList, l’application de Faune-France. Midi (et la faim !) approchant, nous décidons de plier bagage. En approchant du pont, Alain m’indique deux canards colverts (Anas platyrhynchos) posés sur l’eau. Je rechigne d’abord à ajouter l’observation sur mon téléphone, les mains pleines et ayant clos la liste, mais je finis par les ajouter en observation ponctuelle.
dans ce diaporama : cherchez le gravelot ! identifiez les espèces dans la longue-vue ; comptez les tournepierres
Les autres participants s’en vont, je range ma longue-vue dans le coffre. Je discute entomologie avec Roselyne et Alain. Je déplore ne pas pouvoir investir dans beaucoup de matériel pour l’aider cette année, mais ils me répondent que je peux tout de même les aider dans leurs travaux en capturant quelques mouches/diptères autour de mes chevaux. Roselyne me donne alors des poignées (!) de petits tubes pour ranger au frais les malheureuses petites bêtes que je pourrai attraper. Je les salue et je repars à mon tour. Sur la route du retour, je me dis que cela valait la peine de me lever tôt ce matin.
Nina