Contribution de Manche-Nature à l’enquête publique concernant l’aliénation du chemin rural situé lieu-dit «Launay» sur la commune déléguée de Trelly – Quettreville-sur-Sienne

Vous trouverez ici la déposition de Manche-Nature et le compte rendu naturaliste envoyés le 23 mars, et un ajout à la déposition, envoyé le 25 mars 2022 :

Déposition envoyé le 23 mars 2022
Le conseil municipal de Quettreville-sur-Sienne a, le 9 septembre 2021, en séance plénière, pris la décision de lancer une enquête publique concernant l’aliénation et la cession d’une partie du chemin rural (920 mètres linéaires) appartenant à la commune déléguée de Trelly.

Ce point a été ajouté le jour même par le Maire de la commune de Quettreville-sur-Sienne, sans aucune étude préalable quant aux conséquences sur le devenir de ce chemin, de ses abords et pour la biodiversité qui le caractérise.

Le demandeur est Monsieur Guille, par ailleurs Maire délégué de Trelly et siégeant à ce titre au conseil municipal de la commune de Quettreville-sur-Sienne. Il est également vice-président de la communauté de communes de Coutances Mer et Bocage.

Il est à noter qu’il a non seulement participé au conseil municipal ce 9 septembre 2021, au moment où a été traité ce point, mais, il a, également, participé au vote selon le procès-verbal de ce conseil disponible sur le site de la commune.

La portion du sentier susceptible d’être aliénée et donc cédée aux époux Guille est un chemin creux, entre deux talus de bonne taille. Nous y avons compté plus de quatre-vingts arbres en pleine maturité.

Il a une grande valeur paysagère et recèle une biodiversité riche comme l’indique le rapport de Monsieur LIVORY et Madame COULOMB ci-après.

Nous nous interrogeons sur les intentions des demandeurs concernant la préservation de ce lieu qui doit être protégé.

En effet, les raisons invoquées ne paraissent pas sérieuses après nous être rendus sur place à plusieurs reprises. En effet, il est évoqué :

  • « Il ne satisfait plus des intérêts généraux, n’est pas inscrit sur le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée » : Le rapport ci-dessous démontre pourtant son intérêt écologique qui est un bien commun. De plus, les arbres, qui l’abritent, concourent au stockage du carbone ; ce qui, au vu des différents rapports des scientifiques mais également à entendre les élus de Conseil départemental et de CMB, est d’intérêt prioritaire. Si ce chemin n’est pas inscrit sur le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée, il est pourtant borné tout le long du parcours sur le circuit du moulin de la SEY et figure sur la carte IGN en tant que « itinéraire balisé FF : GR et PR. Autre. ».
  • « L’état de la voie pédestre ne permet plus la circulation normale (humidité et hautes herbes) » : Au cours de notre promenade nous n’avons pas constaté ces désagréments. Son utilisation par le public concourt à réguler la pousse des herbes. Nous n’avons pas noté d’humidité excessive mais celle-ci indiquerait le rôle hydrologique de ce chemin dans l’écoulement des eaux. Le seul point boueux relevé est à la hauteur de l’exploitation agricole, occasionné par la traversée du chemin par les engins agricoles ; Il suffit donc, pour remédier à ce désagrément, de procéder à un empierrement sur ces quelques mètres.
  • « Conflit d’usage entre les randonneurs et l’exploitant » : Il semblerait que les exploitants évoquent le fait que des promeneurs se retrouvent dans le siège de l’exploitation, auprès des stabulations et hangars agricoles. Un fléchage mieux disposé réduira grandement l’inconvénient évoqué.

Par ailleurs, une de nos adhérentes nous a informés que les représentants d’un groupe de randonneurs avaient rencontré Monsieur Guille, Maire délégué de Trelly. Il aurait essayé de les rassurer en leur promettant qu’il conserverait ce chemin en tant qu’exploitant.

Manche-Nature, s’interroge. Actuellement l’entretien est pris en charge par la collectivité. Quel intérêt pour les époux Guille de prendre à leur charge cet entretien alors que l’utilisation du chemin sera interdite au public. Nous nous inquiétons et craignons la disparition de ce sentier à plus ou moins brève échéance.

à la hauteur de l’exploitation agricole

Nous souhaitons, Monsieur le commissaire enquêteur que vous apportiez un avis défavorable à cette aliénation, car les raisons invoquées ne résistent pas à leur étude.

Nous suggérons aux élus de la commune, de la communauté de communes de CMB, au moment où ces instances élaborent le Plan Local d’Urbanisme Intercommunal (PLUI) et établissent les inventaires des haies et talus afin de préserver notre bocage, de protéger ce patrimoine en interdisant toute coupe ou arrachage sans une autorisation préalable de ces mêmes instances.

Cette dynamique de protection transitoire avant la finalisation du PLUI nécessite d’établir un mode opératoire efficient permettant d’évaluer le rôle du talus et de la haie, objet de la demande.

Pour Manche-Nature
Le 23.03.2022, Laura TOUVET, Présidente.


Compte-rendu naturaliste.

  La Fissoterie 2019

En tant que naturalistes de l’association Manche-Nature, nous nous sommes rendus le 19 mars 2022 sur les chemins qui font l’objet d’une enquête à Trelly. Nous avons parcouru la totalité de ces chemins depuis le hameau de La Fissotterie jusqu’à la D349, à ceci près qu’au niveau de la ferme Launay le chemin était barré par des cordes, sans doute destinées à canaliser le passage du bétail. Mais à part ce secteur, ce sont des chemins d’une grande valeur paysagère plantés de feuillus des deux côtés. Il y a notamment des chênes magnifiques et très âgés ainsi que toute la flore vasculaire propre à ces milieux. Même en ce tout début de printemps, on reconnaît aisément primevères, ficaires, violettes, potentilles (faux-fraisier), stellaires, mercuriales, « génottes », pervenches, scolopendres, polypodes et tant d’autres plantes qui font le bonheur des randonneurs !

Nous avons pensé qu’il était utile de dresser la liste complète des oiseaux rencontrés, pas moins de 20 espèces en deux heures de balade, et à des horaires peu propices (début d’après-midi) : Buse variable, Corneille noire, Étourneau, Geai des chênes, Grimpereau des jardins, Grive musicienne, Merle noir, Mésange bleue, Mésange charbonnière, Moineau domestique, Pic épeiche, Pic vert, Pigeon biset, Pigeon ramier, Pinson des arbres, Pouillot véloce, Rouge-gorge, Sittelle torchepot, Tourterelle turque, Troglodyte. Des prospections régulières permettraient sans doute de doubler cette modeste liste mais d’ores et déjà, en plus des espèces bocagères qui pour certaines sont de plus en plus rares, sont présentes des espèces arboricoles ou sylvatiques qu’il est essentiel de préserver (pics, sittelle, grimpereau…).

  La Fissoterie photo aérienne 1950-1965

Par curiosité, nous avons comparé la photographie aérienne actuelle avec celles des années 50. C’est édifiant : la grande parcelle triangulaire en labour qui borde au nord-ouest la Fissoterie était couverte d’un dense réseau de haies bocagères et de vergers ! Même constat au nord de la ferme Launay dont les extensions modernes n’existaient pas encore. L’environnement devait être magnifique, la flore et la faune infiniment plus diversifiées qu’aujourd’hui.

Il est indécent, et pour tout dire indigne de la part de cette commune, de proposer à l’enquête publique de détruire les derniers vestiges des plus beaux éléments bocagers de Trelly ! Alors que le bocage normand, emblématique de notre pays, a été sacrifié depuis des décennies, alors que la biodiversité est partout en péril et que les chemins et talus sont une formidable réserve de vie, alors que le bocage a de multiples fonctionnalités écologiques et que ses chemins permettent d’en apprécier le charme, comment peut-on proposer au public pareille forfaiture, et sans états d’âme ! Nous ne connaissons pas les raisons de cette décision, mais elles ne sont en aucun cas recevables.

Monsieur le Commissaire-Enquêteur, en tant que membres d’une association de protection de la nature et en tant que citoyens responsables, nous vous demandons avec insistance de donner un avis franchement défavorable à ce projet en totale contradiction avec le contexte planétaire et la législation de l’environnement. Nous pensons que de tels éléments du paysage devraient au contraire faire l’objet d’un classement si un prochain plan d’urbanisme était envisagé. Et même, sans pour autant revenir à un passé révolu, nous estimons qu’il serait judicieux de replanter quelques haies, notamment autour de la Fissoterie, dont l’environnement a été défiguré par les remembrements.

Alain Livory & Roselyne Coulomb


Ajout à contribution, soumis le 25 mars 2022

à Monsieur le commissaire enquêteur et Monsieur le maire de Quettreville,

Suite à notre déposition, nous tenons à préciser que dans l’inventaire naturaliste réalisé par Madame Roselyne Coulomb et Monsieur Alain Livory, figurent des espèces protégées au titre de l’article L. 411-1 du code de l’environnement. Dans ce contexte, vous trouverez ci après l’article 3 de l’Arrêté du 29 octobre 2009 fixant la liste des oiseaux protégés sur l’ensemble du territoire et les modalités de leur protection. A ce titre, leur habitat est également protégé :

Article 3
Modifié par ARRÊTÉ du 21 juillet 2015 – art. 1

Pour les espèces d’oiseaux dont la liste est fixée ci-après :
I. ― Sont interdits sur tout le territoire métropolitain et en tout temps :
― la destruction intentionnelle ou l’enlèvement des œufs et des nids ;
― la destruction, la mutilation intentionnelles, la capture ou l’enlèvement des oiseaux dans le milieu naturel ;
― la perturbation intentionnelle des oiseaux, notamment pendant la période de reproduction et de dépendance, pour autant que la perturbation remette en cause le bon accomplissement des cycles biologiques de l’espèce considérée.
II. ― Sont interdites sur les parties du territoire métropolitain où l’espèce est présente ainsi que dans l’aire de déplacement naturel des noyaux de populations existants la destruction, l’altération ou la dégradation des sites de reproduction et des aires de repos des animaux. Ces interdictions s’appliquent aux éléments physiques ou biologiques réputés nécessaires à la reproduction ou au repos de l’espèce considérée, aussi longtemps qu’ils sont effectivement utilisés ou utilisables au cours des cycles successifs de reproduction ou de repos de cette espèce et pour autant que la destruction, l’altération ou la dégradation remette en cause le bon accomplissement de ces cycles biologiques.
III. ― Sont interdits sur tout le territoire national et en tout temps la détention, le transport, la naturalisation, le colportage, la mise en vente, la vente ou l’achat, l’utilisation commerciale ou non des spécimens d’oiseaux prélevés :
― dans le milieu naturel du territoire métropolitain de la France, après la date d’entrée en vigueur de l’interdiction de capture ou d’enlèvement concernant l’espèce à laquelle ils appartiennent ;
― dans le milieu naturel du territoire européen des autres États membres de l’Union européenne, après la date d’entrée en vigueur dans ces États de la directive du 2 avril 1979 susvisée.

Parmi les oiseaux cités, il y a :

  • la buse variable
  • le grimpereau des jardin
  • le pinson des arbres
  • les mésanges bleues et charbonnières
  • le rouge-gorge
  • le pouillot véloce
  • la sittelle torchepot
  • le troglodyte mignon

Nous rappelons, également à toute fin utile, qu’au delà de l’avifaune inventoriée, la haie est, aussi, utilisée et utilisable tout au long de l’année par un grand nombre d’autres espèces protégées, notamment des amphibiens (ex : triton crêté) et des mammifères (ex : hérisson), pour s’y nourrir, s’y reposer, s’y reproduire et s’y déplacer.

Ce statut d’espèce protégée interdit la destruction ou l’altération de leurs habitats et donc des haies sans détenir préalablement une dérogation délivrée par le Préfet. En cas de violation de ces interdictions, les textes prévoient des sanctions pouvant aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende.

Je reste à votre disposition pour tout renseignement complémentaire.
Cordialement,

Pour le bureau
Laura Touvet

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