La destruction de son front de mer par une urbanisation maximale ne lui suffit pas, la municipalité s’attaque maintenant au site naturel de la mare de Bouillon et de la vallée du Thar !
Un site naturel reconnu
La « Mare de Bouillon et vallée du Thar » constitue un site d’une grande richesse écologique en arrière littoral sur la commune de Jullouville. Sa position et les milieux qui le composent, c’est-à-dire la mare et ses abords, constitués de différentes formations végétales successives (phragmitaie, mégaphorbiaie, saulaie et peupleraie), en font un habitat indissociable de l’écosystème de la « Baie du Mont-Saint-Michel ». Il joue un rôle primordial pour les oiseaux migrateurs en tant que lieu de repos, de reproduction et de nidification. C’est aussi un lieu d’une importante diversité typique des zones humides. [fiche ZNIEFF de la DREAL]
Son intérêt écologique a justifié le classement d’une partie du secteur en zones naturelles d’intérêt écologique faunistique et floristique de types 1 et 2 (ZNIEFF) (inventaire écologique d’importance nationale), en site Natura 2000 (inventaire écologique d’importance européenne) et en site Ramsar (zone humide d’importance internationale).
Une urbanisation galopante
La pression de l’urbanisation sur le littoral a détruit le front de mer de la commune de Jullouville. Pas le moindre petit espace de dune restée à l’état naturel. L’agglomération s’est développée, sans limite, entre le rivage et l’avenue de Kairon. C’est ce type de bétonnage qui a conduit au vote, à l’unanimité, de la loi littoral en 1986. Au-delà, s’étend le vaste site naturel de la « Mare de Bouillon et vallée du Thar » qui, par chance, a été préservé de l’urbanisation galopante et destructrice. Les quelques constructions, implantées dans le secteur naturel, de manière éparse, sont restées marginales.
Les derniers milieux naturels assiégés
Mais, aujourd’hui, ne voulant pas s’arrêter et se contenter de combler les « dents creuses » situées à l’intérieur de l’agglomération, la commune de Jullouville souhaite commencer l’urbanisation de ce secteur.
Le lotissement « Les bords du Thar » est lancé et un permis d’aménager 12 lots pour des habitations a été délivré le 24 septembre 2012, sur une partie du bois composant les abords de la mare et jouxtant le site ZNIEFF, Natura 2000 et Ramsar. Pourtant, l’urbanisation et l’habitat humain sont reconnus comme facteur impactant négativement l’intérêt écologique des zones écologiques inventoriées. [fiche ZNIEFF de la DREAL]
Demande d’explications
Un membre de Manche-Nature est surpris par un récent panneau orange installé en hauteur sur un poteau, devant le bois, avec marqué « à vendre, 12 lots à bâtir » par Pozzo immobilier.
L’association se renseigne et demande à qui de droit la justification de l’affichage sur le terrain du permis d’aménager un tel lotissement. Sans réponse et compte tenu de la nécessité de préserver le secteur naturel de l’urbanisation, l’association dépose un recours contre ce permis d’aménager pour dénoncer son illégalité (notamment la méconnaissance de la loi littoral et des lois prises pour la préservation de la nature), avec une relance de demande de justification de l’affichage sur le terrain. Sous le silence gardé des bénéficiaires de ce permis d’aménager, l’association confirme son recours. Ce n’est qu’en cours de procédure que les preuves de la date d’affichage du permis sur le terrain sont communiquées. Le recours de l’association étant tardif, le juge ne peut pas trancher et le recours est arrêté par une ordonnance du Tribunal le 27 mars 2013.
Depuis cette date, l’association reste vigilante et correspond quasi-mensuellement avec la commune sur d’éventuel dépôt et octroi de permis de construire. Elle informe aussi la chambre des notaires de l’illégalité du projet et du risque contentieux.
Passage en force
Malheureusement, la partie du bois concerné fait l’objet d’un défrichement. Il s’avéra plus tard que ce dernier s’est fait sans autorisation préfectorale préalable.
Manche-Nature contrainte à agir en justice
Le 21 janvier 2014, une première demande est déposée et un premier permis de construire est octroyé le 26 février 2014, semble-t-il, sans information des demandeurs sur la situation.
Un premier recours est donc déposé dans les délais contre celui-ci.
Au lieu que l’affaire soit tranchée par le juge en quelques mois, le maire continue de délivrer jusqu’en décembre 2014 des permis de construire sur le secteur, retardant ainsi la décision du Tribunal. Au total, ce sont 5 permis qui ont été octroyés et que Manche-Nature a été contrainte de contester pour défendre la nature.
Le Tribunal administratif de Caen devrait se prononcer sur la légalité de ces permis au plus tôt fin avril 2015.
À suivre.