Impact des barrages hydroélectriques sur le milieu aquatique
L’exploitation hydroélectrique, bien qu’énergétiquement renouvelable, a un impact important sur le milieu aquatique, sa biodiversité et l’environnement. D’une part par le turbinage lui-même, mais aussi par l’édification des barrages qui lui sont inhérents et afférents, elle perturbe les flux hydriques, sédimentaires et biologiques de la rivière et, en conséquence, elle dégrade ses habitats et altère gravement ses capacités d’auto-épuration.
Le cours de nos fleuves côtiers a été fortement modifié pour des besoins énergétiques historiques dont aujourd’hui on doit réviser la pertinence.
Barrages et production hydroélectrique induisent une atteinte au milieu aquatique : perte de biodiversité, perte de capacité d’auto-épuration, augmentation de la teneur en matière organique et de la température nuisible à la potabilisation, consolidation de la dérive péjorative piscicole, et confortement de l’eutrophisation mais aussi rapprochement dangereux du seuil de dystrophisation.
Outre la qualité physico-chimique de l’eau, le bon état d’une rivière dépend grandement de sa morphologie, c’est-à-dire de ses caractéristiques physiques. Or, celles-ci sont très souvent altérées, en particulier par des travaux d’hydraulique agricole, des barrages et des seuils.
Qu’est-ce que la morphologie des cours d’eau ?
Le concept de morphologie des cours d’eau correspond aux caractéristiques physiques des rivières, qui résultent de l’interaction entre un débit liquide (l’eau) et un débit solide (les sédiments). Cette interaction a pour conséquences de modeler la forme des principales composantes physiques du cours d’eau que sont :
- le lit mineur : partie du cours d’eau correspondant à sa portion mouillée en période normale. On considère sa forme et la composition de ses matériaux ;
- le lit majeur et les annexes hydrauliques : parties du cours d’eau incluant le lit mouillé en période de crue (champ d’expansion) ainsi que les bras secondaires et zones humides connectés de façon continue ou temporaire ;
- les berges et la ripisylve (boisement de bord de cours d’eau) ;
- la ligne d’eau : nature et diversité des écoulements, caractérisés par leur vitesse et leur hauteur ;
- la continuité écologique : capacité des organismes vivants et des sédiments à effectuer leur migration.
L’altération de l’une ou plusieurs de ces composantes, appelées généralement « compartiments », a pour conséquence de modifier le milieu de vie des organismes y résidant et de perturber les cycles biologiques et les interactions entre communautés d’espèces.
Les perturbations induites sont de deux ordres : la diminution de la qualité des habitats et la diminution de leur diversité.
On peut classer les altérations morphologiques en 3 grands types :
- le recalibrage et la rectification des cours d’eau : menés principalement durant les opérations de remembrement de la seconde moitié du XXe siècle, ils avaient pour objectif d’accélérer l’écoulement en redressant et élargissant les cours d’eau. Les conséquences furent une homogénéisation des vitesses et faciès d’écoulement, induisant une perte de quasiment toute diversité d’habitat, mais aussi une perte des capacités de limitation des crues à l’aval.
- la présence de barrages et seuils : barrages et seuils entravent la migration des poissons. Ils bloquent des sédiments, qui se retrouvent (souvent avec des polluants) à l’amont des retenues et ne peuvent plus participer au renouvellement des frayères. Ils ennoient les habitats d’eau vive : frayères et nurseries salmonicoles, situées dans leur zone d’influence jusqu’à la zone de remous à l’amont du barrage. Enfin, ils ralentissent les écoulements, entraînant réchauffement de l’eau, évaporation, diminution de la quantité d’oxygène dissous et induisent de ce fait une diminution des capacités d’auto-épuration, voire même une dystrophisation (explosion de population algales due au réchauffement de l’eau et à l’apport en matières nutritives, notamment le phosphore et l’azote) rendant le milieu toxique et l’eau difficilement potabilisable ;
- les modifications sur le bassin versant : la suppression des éléments tampons (haies, talus, fossés) et les sols laissés nus en période de pluie entraînent l’érosion accrue des sols et un apport à la rivière de matières en suspension qui viennent charger l’eau en sédiments fins et colmater les fonds de graviers et cailloux. D’autre part, la suppression de ces éléments régulateurs induit un effet accélérateur de l’écoulement de l’eau, ce qui facilite des crues importantes et soudaines et une décrue rapide sans soutien à l’étiage.
L’ensemble de ces perturbations se cumulent et entraînent des modifications notables des peuplements de poissons et d’invertébrés ; les espèces les plus sensibles, et donc indicatrices de bon état et de milieux non perturbés, sont les premières à disparaître. Le colmatage des fonds entraîne la disparition des frayères à salmonidés ; le ralentissement des écoulements et le réchauffement de l’eau provoquent la prolifération d’espèces de moindre valeur écologique ou « discordantes » comme les brèmes ou les cyprinidés d’eau lente ; les barrages bloquent ou retardent la remontée et la dévalaison des migrateurs… Tout concorde pour éloigner le peuplement en place du peuplement « théorique », qui correspond à un bon état des masses d’eau. On qualifie alors l’état écologique de « non-conforme » ou « dégradé ».
– Il est inconcevable de développer l’hydroélectricité sur les cours d’eau encore préservés et non aménagés ;
– Avant tout développement nouveau, il est impératif d’optimiser les équipements qui ont une réelle utilité et de diminuer rapidement les impacts sur les cours d’eau ;
– Il est nécessaire de prévoir le démantèlement de bon nombre de seuils et autres barrages inutiles. Le démantèlement de certains ouvrages très perturbateurs sur des axes migrateurs étant la priorité. FNE
On peut espérer l’effacement de nouveaux barrages en chômage de production hydroélectrique estivale, il n’y a aucune raison de maintenir une pression anthropique (non justifiée par un usage économiquement avéré), induisant une atteinte portée au milieu aquatique
Le point de vue de Manche-Nature
Manche Nature soutient fermement les principes de non dégradation et de restauration morphologique des cours d’eau. Pour ce second point, elle souhaite que soient fixés des objectifs à court terme concernant les rivières dégradées par une mauvaise gestion ou des travaux d’hydraulique agricole.
Concernant les plans d’eau, leur création doit être proscrite dans toutes les zones sensibles : zones humides, têtes de bassin, cours d’eau à migrateurs, cours d’eau salmonicoles ou de première catégorie, rivières abritant des espèces à fort intérêt patrimonial (écrevisses indigènes, moules perlières…), zones sous arrêté de protection de biotope, et en amont d’usages sanitaires de l’eau… La suppression de tous les étangs illégaux ou sans usage d’intérêt général doit être étudiée en priorité.
Concernant les ouvrages, la position de principe soutenue par FNE est la priorité à la suppression de tous les ouvrages sans usage économique (plus de 90 % des barrages), et la destruction de tous les gros ouvrages « points noirs » pour la migration des poissons, comme le stipulent les conclusions du Grenelle de l’Environnement. Des objectifs de réduction du taux d’étagement (proportion de la pente influencée par les ouvrages) doivent être fixés, de manière à ne pas dépasser 40 % sur les rivières à migrateurs Anguille et 20 % sur les cours d’eau à autres migrateurs.
L’ouverture des barrages constitue un gain durable pour la qualité de l’eau et donc pour la biodiversité et les usages de l’Homme.
Sources et documents :
Une vidéo de l’Agence de l’Eau Seine-Normandie pour appréhender les problématiques de barrage par l’exemple :
Documents pour aller plus loin
Manuel de restauration hydromorphologique des cours d’eau de l’Agence de l’Eau Seine-Normandie
Morphologie des cours d’eau, guide élaboré par le Réseau eau de FNE.
Idées reçues sur la continuité écologique, rapport réalisé par FNE avec le concours de l’ONEMA.