Destruction d’espèce protégée

Jonathan le Goéland, ennemi public
aux Iles Chausey et à Granville ?

C’est ce qui ressort des dérogations accordées par le préfet de la Manche depuis quelques années, autorisant les tirs d’effarouchement et les tirs létaux à l’encontre des goélands argentés qui peuplent l’archipel de Chausey, et la stérilisation de leurs œufs dans les nids à Granville.

Leur crime ?

Ils seraient responsables de pillages à l’encontre des moules de bouchots au large des îles et « crotteraient » les rues de la ville de Granville.

Manche-Nature conteste ces dérogations qui vont à l’encontre des textes de protection environnementale et de la biodiversité. Le code de l’environnement, les différentes directives européennes ont bien pour vocation de préserver les espaces naturels, la faune, la flore qui les habitent, et de trouver l’équilibre entre ceux-ci et les activités humaines. L’action de Manche-Nature s’inscrit dans une démarche pour que la législation soit respectée.

Pourtant, Chausey et les espèces qui l’occupent bénéficient de multiples protections

L’archipel est inscrit dans le programme Natura 2000. Il est réserve de chasse. Le goéland argenté est une espèce protégée, considérée comme vulnérable, eu égard au déclin de sa population. Rappelons qu’il est passé, sur le site, de 5 000 individus il y a une vingtaine d’années à moins de 700 aujourd’hui. Cette baisse rapide est constatée sur l’ensemble de la Normandie et il en est de même au niveau européen.

Quels sont les faits reprochés au délinquant Jonathan et à sa tribu ?

Le CRC (Comité régional de la Conchyliculture) chiffre les dégâts occasionnés par la bande à 10 %, voire plus, de la production attendue. Ce chiffre est repris, argent comptant, par le Préfet.

Mais comment est obtenue cette estimation ? Mystère ! Rien n’en est dit dans la demande déposée par les conchyliculteurs et encore moins dans les attendus de l’Autorité administrative. Un prévenu devrait avoir connaissance des preuves qui l’accablent !!!

Personne ne conteste que le goéland est un oiseau prédateur. Il faut bien qu’il se nourrisse. Qu’il se serve, lorsque le repas lui est proposé en self service, n’est pas étonnant. Ne faisons-nous pas tout autant lorsque le buffet est à disposition dans les Routiers ?

N’est-ce pas plutôt au restaurateur de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que les quantités prises restent raisonnables ? Ce n’est pas l’option prise par les exploitants des concessions.

Le Préfet autorise d’année en année les tirs d’effarouchements et les tirs létaux. Ce passe-droit est présenté par celui-ci comme une réponse à l’urgence face aux pertes chiffrées (au doigt mouillé), dans l’attente de la mise en place de protections plus opérantes dans les années à venir… Et la profession indique dans son dossier de demande, qu’elle envisage pour plus tard d’installer ces protections, annonçant que la fin de la table ouverte se fera à coups de fusil.

Quand l’oiseau vole, on l’abat ?

Cette solution est quand même bien symptomatique des contradictions qui traversent nos sociétés. Les autorités administratives et politiques se gargarisent des COP 21, 22…100 et au-delà, des Natura 2000, de la nécessité de protéger la biodiversité. Et dans le même temps elles s’empressent d’autoriser les contrevenants aux règles communes de protection du cadre de vie des espèces (y compris la nôtre) à y contrevenir légalement à coups d’arrêtés dérogatoires.

A Chausey, on tire sur les oiseaux par dérogation. Dans les champs, on épand produits phytosanitaires et insecticides, – y compris près des cours d’eau, des habitations humaines –, à l’encontre de la faune et de la flore. Les autorités repoussent à plus tard, (à trop tard ?) la réglementation drastique de ces épandages, leur interdiction, tout cela au nom de la production maximale à exiger des sols, des espaces marins.

Et pourtant, ce serait tellement simple que soit accepté un prélèvement par les espèces animales sur les productions tout en limitant leur impact par la mise en place de protections mécaniques ou naturelles : la part du voyageur réservée sur la table du banquet, en quelque sorte.

Et pendant ce temps, à Granville, on stérilise les nettoyeurs de nos déchets

Les goélands ont décidément mauvaise presse, puisque le Préfet vient d’autoriser la stérilisation de leurs œufs à Granville, alors qu’ils sont classés « espèce vulnérable » par l’Union Européenne et que le GONm (Groupe Ornithologique Normand) alerte, répétons-le, sur leur raréfaction.

Il répond ainsi à une demande de la municipalité. Celle-ci ne s’interroge pas sur les raisons qui amènent à ces regroupements intempestifs sur son territoire, lui non plus.

Un peu de bon sens répondrait pourtant à cette question. Le goéland trouve tout simplement à manger à bon compte sur les trottoirs avec les reliefs « fast-food », les poubelles mal fermées… Moins de déchets alimentaires, un peu plus de citoyenneté et la cohabitation serait facilitée. Cela éviterait des mesures d’éradication dont l’issue reste incertaine et qui restent en contradiction avec la volonté affichée de participer à la préservation de la biodiversité.

Alain MILLIEN

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