La remise en état des lieux
n’est toujours pas effective !
Souvenez-vous de notre dernier article intitulé Bergerie de Genêts : vers une remise en état des lieux. Manche-Nature avait rencontré différents élus et les services de l’État s’étaient engagés à trouver un nouveau site à la bergerie. C’était il y a plus d’un an !
Honnêtement, nous avons cru qu’une solution serait trouvée pour relocaliser cette bergerie sur un site approprié. Mais notre honnêteté n’était pas partagée par les différentes parties, lisez la suite, elle est édifiante !
Copinage et politiciens
Cela se passe au Sénat, lors de la discussion de la proposition de loi « pour l’économie bleue », l’article L.480-13 du code de l’urbanisme a fait l’objet d’un amendement.
Cet article définit les conditions dans lesquelles une construction illégale peut faire l’objet d’une démolition. Pour ce faire, il faut que le permis de construire soit annulé et que la construction soit située dans des zones bien particulières qui sont définies dans quatorze paragraphes successifs.
Le deuxième (b) précisait « Les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques mentionnés à l’article L. 146-6, lorsqu’ils ont été identifiés et délimités par des documents réglementaires relatifs à l’occupation et à l’utilisation des sols ».
Cela semble-t-il clair et bien défini ?
Il faut croire que non, car un sénateur normand a fait passer discrètement un amendement pour le moins insolite en ajoutant une exception : « sauf s’il s’agit d’une construction en bois antérieure au 1er janvier 2010, d’une superficie inférieure à mille mètres carrés, destinée à une exploitation d’agriculture biologique satisfaisant aux exigences ou conditions mentionnées à l’article L. 641-13 du code rural et de la pêche maritime et bénéficiant d’une appellation d’origine protégée définie à l’article L. 641-10 du même code »
Surprenante cette exception ? Étranges toutes ces précisions ?
Vous en connaissez beaucoup des constructions qui pourraient répondre à tous ces critères : construites avant 2010, sans permis ou bien avec un permis annulé, dans un espace remarquable du littoral ou équivalent, de moins de 1 000 m2, et destinées à une exploitation en AOP ?
Vous avez compris, il s’agit de la bergerie illégale de Genêts.
Un texte de loi qui se veut taillé sur mesure
Le législateur est tombé bien bas ! Modifier la loi pour voler au secours d’un délinquant copain de parlementaires. Quelle belle image de l’abus de pouvoir d’un élu !
Déjà, au moment des différents jugements, des élus locaux, bien relayés par les médias, avaient usé de tout leur pouvoir pour faire échouer la procédure. En vain, l’affaire a été portée devant les tribunaux jusqu’au Conseil d’État. Verdict : la construction est illégale ! La démolition s’annonce comme inéluctable.
Piteusement, le sénateur Bizet qui tire les ficelles est même allé jusqu’à demander à un confrère sénateur de déposer à sa place cet amendement perfide. Quel courage ! Aurait-il peur d’être surveillé par les citoyens qu’il représente et de devoir rendre des comptes ?
Et du côté de la commune, quelles sont les avancées ?
Eh bien, on s’active pour une révision du PLU qui a pour objet notamment de tenter de régulariser la bergerie illégale. Actuellement, le site classé en zone N (naturelle) est strictement inconstructible. Qu’à cela ne tienne, le projet est de classer ce secteur en As (zone agricole avec possibilité d’extension des bâtiments existants). Le projet est actuellement soumis à enquête publique. Mais le zonage As n’est pas légal dans cet espace remarquable du littoral confirmé par le Conseil d’État.
Des appuis politiques qui interrogent
Quelles sont les motivations occultes qui amènent un sénateur à proposer un amendement qui se veut taillé sur mesure et des élus locaux à violer la loi en modifiant le PLU de leur commune pour des intérêts particuliers ?
La loi n’a-t-elle pas une portée générale qui doit s’appliquer au plus grand nombre ?
Où est la démocratie face à de tels agissements ?
On voit bien que malheureusement sur ce dossier, il n’y a rien à attendre des élus, qu’ils soient maires, députés ou sénateurs, ni même des services de l’État.
La justice aura-t-elle le dernier mot ?
Manche-Nature poursuit sa mission, même dans l’adversité.
Après avoir accordé un délai de deux ans afin de laisser le temps de déménager tout en limitant l’impact sur l’activité, nous sommes contraints d’assigner M. Cerbonney, le propriétaire, devant le Tribunal de grande instance de Coutances aux fins d’obtenir le démontage de la bergerie et la remise en état des lieux conformément aux différentes décisions de justice.
L’amendement « Cerbonney-Bizet » adopté par le Parlement ne facilitera pas notre action, mais les imperfections de sa rédaction ne devraient toutefois pas lui permettre d’atteindre son but.
Cette affaire nous coûte très cher financièrement. Il y a le temps passé par notre juriste et les frais d’avocat tant pour l’annulation du permis délivré illégalement que maintenant pour exiger la démolition. Aussi, nous invitons le lecteur sensible à notre action à adhérer à Manche-Nature et, mieux, à faire un don en soutien.
Manche-Nature agit grâce au soutien financier de ses adhérents et sympathisants.
La Nature a besoin de vous. Vous trouverez sur le site à cette page le bulletin d’adhésion et de soutien. Merci.
À lire ou relire, nos articles déjà publiés sur cette affaire :
Bergerie de Genêts : vers une remise en état des lieux
Bergerie : Lettre aux élus
La bergerie illégale de Genêts
La Gazette : La Région s’engage à soutenir les bergers
La Manche Libre : La bergerie à nouveau interdite
Ouest-France : La bergerie « illégale » de François
Bergerie de Genêts
La Commission des sites se prononce sur la bergerie illégale de Genêts