Haies en milieu urbain

Stoppons le massacre à Granville !

Alors qu’un bras de fer s’est engagé entre l’association Manche nature et la chambre d’agriculture de la Manche pour la préservation du bocage en milieu agricole, les haies situées en zone urbaine sont aussi victimes de la pelleteuse à Granville !

Avant-Après : lundi 29 mars 2021, sur le site de la Roche Gautier, une destruction de 50 mètres de linéaire de haies par la municipalité, motivée par la pause d’une clôture. Des plantations vont sûrement avoir lieu à l’automne, mais le temps que cela repousse, quelle perte pour la biodiversité granvillaise !

Il est courant de reprocher à l’agro-industrie sa gestion du milieu bocager. Dans la Manche c’est encore 680 km de haies qui disparaissent chaque année (http://www.trameverteetbleuenormandie.fr/IMG/pdf/DAUTRESIRE_memoire_bocage_2010.pdf) alors que 40 à 50 km de haies sont replantés par an (https://www.agriculteur-normand.com/40-50-km-de-haies-plantees-par-dans-la-manche) à grand renfort d’argent public (Le budget du plan bocage pour les plantations a été élevé à 500 000 euros par an : https://www.manche.fr/conseil-departemental/Plan-bocage.aspx) . Le compte n’y est pas ! Il est pourtant reconnu scientifiquement depuis plus de 30 ans que le bocage est un patrimoine commun inestimable en même temps qu’ un trésor écologique rendant des services essentiels aux sociétés humaines : lutte contre les inondations, la pollution des eaux, les sécheresses et l’érosion des sols, protection de la biodiversité, du bétail et des habitations, stockage du carbone de l’atmosphère, etc. Services d’autant plus vitaux à l’heure du réchauffement climatique ! Sans parler des enjeux paysagers donc touristiques !

Dans tous les supports de communication de la Région, du Département, de la chambre d’agriculture, de la préfecture, il est de bon ton d’ afficher cette volonté de préserver le bocage et les arbres en général. Ainsi, dans son magazine municipal, la Mairie de Granville affiche aussi cet objectif…

On le retrouve aussi dans la plupart des textes réglementaires, de la loi pour la biodiversité du 9 août 2016 au SRCE en passant par le PLU du Granville qui cite l’ Article L. 101-2 du Code de l’urbanisme :

Mais voici plutôt la réalité en face, depuis deux ans :

Tableau de synthèse des atteintes au bocage à Granville

Lieux1Estimations approximatives des linéaires abattus d’après les photos aériennes
Motifs évoqués selon les riverains
Val-es-Fleurs , en zone naturelleSuppression de 10 mètres de petite haie arbustiveFaciliter la surveillance des enfants

Roche Gautier, en zone naturelle
Suppression de 50 mètres de haie arborée et du talus (zone herbacée avec ronces) de 100 m au totalPose d’une clôture et vue sur la mer des habitations de l’autre côté des jardins familiaux
Rue du Muguet protégée au titre de la loi paysage
Suppression de 85 mètres de haie arboréeConstruction d’un stade de foot
Chemin de la ParfonterieDifficile à estimer : 40 + 30 + 30 + 65 + 65 + 40 = environ 270 mètres de linéaires de haies, allant de la petite haie taillée arbustive à la haie arborée
Construction de logements
TOTAL ESTIMÉEnviron 415 mètres de linéaires de haiesÀ noter : si on prend une moyenne de 2 arbres pour 1 mètre linéaire, ce qui paraît même une fourchette basse, cela nous donnerait près de 830 arbres et arbustes supprimés !
1 On pourrait ajouter à ce terrible constat pour la biodiversité granvillaise, vérifiable par tous grâce à Géoportail et à la comparaison sur site, les abattages de vieux arbres dans le parc du couvent des Cordeliers, bien que la mairie ne soit pas pour cette fois propriétaire du site…

Après cet état des lieux, nous ne pouvons que constater l’écart entre les textes de loi, la communication de la ville et la réalité sur le terrain.

Certes, « de nouvelles plantations vont avoir lieu », mais cet argument ne tient pas la route et doit cesser d’être employé ! Car on est toujours loin de compenser les pertes ! D’abord aucun relevé n’est fait pour quantifier le nombre d’arbres abattus, les espèces présentes, leurs âges… Rappelons que la taille des plants n’égale jamais la taille des arbustes abattus, beaucoup plus vieux.

Notons aussi que « la haie n’est pas qu’un ensemble d’arbres : elle comporte en général plusieurs types de végétaux, étagés en différentes strates. Si l’arbre (ou l’arbuste) est l’ingrédient de base pour former une haie, de nombreux autres végétaux participent à sa richesse : mousses et champignons, plantes herbacées, lianes… » (http://circstandre.spip.ac-rouen.fr/IMG/pdf/doc_accompagnent_ap_haiec2.pdf)

Raser une haie adulte s’accompagne donc irrémédiablement d’une grave perte de biodiversité, non compensable dans l’immédiat ni en quelques années !

Alors que nous avons déjà perdu 80 % de nos insectes en 30 ans et un tiers de nos oiseaux en seulement 15 ans, voilà l’impact réel de la soi-disant « compensation » mise en œuvre par ces élus qui coupent des arbres et justifient cet acte par de nouvelles plantations (comme pour le contournement de Sartilly avec 23 km de haies abattues en une seule fois !).

Il faut ajouter aussi aux conséquences des arasements de haies la souffrance des riverains attachés à leur cadre de vie, ce qui peut être source de fracture entre citoyens et élus. On l’oublie un peu trop vite. Voici le témoignage d’une dame qui a l’habitude de promener ses chiens sur le site de la Roche Gautier :

« Canisette très fréquentée, j’y vais au moins 3 fois par semaine. J’y retrouve mes copains et copines de « chiens ». Nous aimons cet endroit, nos chiens aussi ; eux aimaient l’ombre de la haie, nous, nous aimions ses occupants, oiseaux, abeilles, coccinelles, etc.
C’est pourquoi lorsque mes copines m’ont envoyé les photos du début des travaux de réfection des clôtures j’ai été submergé par un tas d’émotions :
la sidération, la vue de ce vide, un choc. Il manque quelque chose, mon cerveau « bugue » il refuse l’information visuelle. Je ne comprends pas et refuse d’y croire. Ils n’ont pas pu faire ça, pas la mairie « écolo ». la rage très vite monte : ils ont osé, c’est quoi cette mairie qui mutile, arrache et broie la faune ? En sortant du boulot, je file chercher mes enfants et nous « montons » à la canisette pour voir. Et là on VOIT le vide. Où sont les animaux de cette haie ? Le silence, plus âme qui vive, plus de végétal, plus rien, seulement les larmes, le chagrin de mon petit garçon (cf photo) et ma rage qui me submerge ».

Rappelons que la France a choisi pour le début de la période d’interdiction de taille des haies le 1er avril, soit la date la plus tardive comparée aux autres pays de l’Union européenne, la plupart l’ayant fixée le 1er mars. Et que les travaux à la Roche Gautier ont eu lieu… le 29 mars. Les oiseaux apprécieront le sens du timing.

En conclusion, le but de cet article est de créer une véritable prise de conscience chez les citoyens comme chez les élus. Ne soyons pas dupes de l’écart entre les textes réglementaires, la communication officielle et la réalité sur le terrain. Cessons d’invoquer des arguments (la sécurité, la croissance économique, le développement par de nouveaux aménagements) pour toujours couper davantage d’arbres en ville ! Et surtout :

Inscrivons en Espace Boisé Classé (EBC) tous les linéaires de haies bocagères de Granville et des communes de l’intercom dans le Plan Local d’Urbanisme Intercommunal (PLUI) en cours d’élaboration.

C’est le seul moyen de protéger efficacement nos haies champêtres qui constituent notre patrimoine commun, support de la biodiversité dont nous dépendons tous.

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