Stoppons le massacre à Granville !
Alors qu’un bras de fer s’est engagé entre l’association Manche nature et la chambre d’agriculture de la Manche pour la préservation du bocage en milieu agricole, les haies situées en zone urbaine sont aussi victimes de la pelleteuse à Granville !
Il est courant de reprocher à l’agro-industrie sa gestion du milieu bocager. Dans la Manche c’est encore 680 km de haies qui disparaissent chaque année (http://www.trameverteetbleuenormandie.fr/IMG/pdf/DAUTRESIRE_memoire_bocage_2010.pdf) alors que 40 à 50 km de haies sont replantés par an (https://www.agriculteur-normand.com/40-50-km-de-haies-plantees-par-dans-la-manche) à grand renfort d’argent public (Le budget du plan bocage pour les plantations a été élevé à 500 000 euros par an : https://www.manche.fr/conseil-departemental/Plan-bocage.aspx) . Le compte n’y est pas ! Il est pourtant reconnu scientifiquement depuis plus de 30 ans que le bocage est un patrimoine commun inestimable en même temps qu’ un trésor écologique rendant des services essentiels aux sociétés humaines : lutte contre les inondations, la pollution des eaux, les sécheresses et l’érosion des sols, protection de la biodiversité, du bétail et des habitations, stockage du carbone de l’atmosphère, etc. Services d’autant plus vitaux à l’heure du réchauffement climatique ! Sans parler des enjeux paysagers donc touristiques !
Dans tous les supports de communication de la Région, du Département, de la chambre d’agriculture, de la préfecture, il est de bon ton d’ afficher cette volonté de préserver le bocage et les arbres en général. Ainsi, dans son magazine municipal, la Mairie de Granville affiche aussi cet objectif…
On le retrouve aussi dans la plupart des textes réglementaires, de la loi pour la biodiversité du 9 août 2016 au SRCE en passant par le PLU du Granville qui cite l’ Article L. 101-2 du Code de l’urbanisme :
Mais voici plutôt la réalité en face, depuis deux ans :
Tableau de synthèse des atteintes au bocage à Granville
Lieux1 | Estimations approximatives des linéaires abattus d’après les photos aériennes | Motifs évoqués selon les riverains |
Val-es-Fleurs , en zone naturelle | Suppression de 10 mètres de petite haie arbustive | Faciliter la surveillance des enfants |
Roche Gautier, en zone naturelle | Suppression de 50 mètres de haie arborée et du talus (zone herbacée avec ronces) de 100 m au total | Pose d’une clôture et vue sur la mer des habitations de l’autre côté des jardins familiaux |
Rue du Muguet protégée au titre de la loi paysage | Suppression de 85 mètres de haie arborée | Construction d’un stade de foot |
Chemin de la Parfonterie | Difficile à estimer : 40 + 30 + 30 + 65 + 65 + 40 = environ 270 mètres de linéaires de haies, allant de la petite haie taillée arbustive à la haie arborée | Construction de logements |
TOTAL ESTIMÉ | Environ 415 mètres de linéaires de haies | À noter : si on prend une moyenne de 2 arbres pour 1 mètre linéaire, ce qui paraît même une fourchette basse, cela nous donnerait près de 830 arbres et arbustes supprimés ! |
Après cet état des lieux, nous ne pouvons que constater l’écart entre les textes de loi, la communication de la ville et la réalité sur le terrain.
Certes, « de nouvelles plantations vont avoir lieu », mais cet argument ne tient pas la route et doit cesser d’être employé ! Car on est toujours loin de compenser les pertes ! D’abord aucun relevé n’est fait pour quantifier le nombre d’arbres abattus, les espèces présentes, leurs âges… Rappelons que la taille des plants n’égale jamais la taille des arbustes abattus, beaucoup plus vieux.
Notons aussi que « la haie n’est pas qu’un ensemble d’arbres : elle comporte en général plusieurs types de végétaux, étagés en différentes strates. Si l’arbre (ou l’arbuste) est l’ingrédient de base pour former une haie, de nombreux autres végétaux participent à sa richesse : mousses et champignons, plantes herbacées, lianes… » (http://circstandre.spip.ac-rouen.fr/IMG/pdf/doc_accompagnent_ap_haiec2.pdf)
Raser une haie adulte s’accompagne donc irrémédiablement d’une grave perte de biodiversité, non compensable dans l’immédiat ni en quelques années !
Alors que nous avons déjà perdu 80 % de nos insectes en 30 ans et un tiers de nos oiseaux en seulement 15 ans, voilà l’impact réel de la soi-disant « compensation » mise en œuvre par ces élus qui coupent des arbres et justifient cet acte par de nouvelles plantations (comme pour le contournement de Sartilly avec 23 km de haies abattues en une seule fois !).
Il faut ajouter aussi aux conséquences des arasements de haies la souffrance des riverains attachés à leur cadre de vie, ce qui peut être source de fracture entre citoyens et élus. On l’oublie un peu trop vite. Voici le témoignage d’une dame qui a l’habitude de promener ses chiens sur le site de la Roche Gautier :
Rappelons que la France a choisi pour le début de la période d’interdiction de taille des haies le 1er avril, soit la date la plus tardive comparée aux autres pays de l’Union européenne, la plupart l’ayant fixée le 1er mars. Et que les travaux à la Roche Gautier ont eu lieu… le 29 mars. Les oiseaux apprécieront le sens du timing.
En conclusion, le but de cet article est de créer une véritable prise de conscience chez les citoyens comme chez les élus. Ne soyons pas dupes de l’écart entre les textes réglementaires, la communication officielle et la réalité sur le terrain. Cessons d’invoquer des arguments (la sécurité, la croissance économique, le développement par de nouveaux aménagements) pour toujours couper davantage d’arbres en ville ! Et surtout :
Inscrivons en Espace Boisé Classé (EBC) tous les linéaires de haies bocagères de Granville et des communes de l’intercom dans le Plan Local d’Urbanisme Intercommunal (PLUI) en cours d’élaboration.
C’est le seul moyen de protéger efficacement nos haies champêtres qui constituent notre patrimoine commun, support de la biodiversité dont nous dépendons tous.