Travaux à la pointe d’Agon, la suite…

Cet article est en lien avec celui publié le 14 novembre dernier : La biodiversité n’est pas la priorité du Conservatoire du littoral

Le classement d’un site naturel
a-t-il encore un sens ?

En France, un site classé est un espace naturel destiné, au nom de l’intérêt général, à être conservé en l’état et préservé de toute atteinte grave : destruction, altération, banalisation. En France toujours, le Conservatoire du littoral a pour première mission de préserver des milieux naturels et des paysages remarquables du littoral afin, lit-on généralement, qu’ils ne soient ni construits ni artificialisés.

Alors prenons pour exemple le secteur de l’ancienne ferme Borde à la pointe d’Agon. L’endroit est au cœur du site classé. Bien sûr il existe d’anciens bâtiments en pierre, des hangars moins esthétiques et une plantation de résineux mais, hormis ces éléments anthropiques, l’environnement était resté naturel, du moins tels que le sont la plupart de nos massifs dunaires avec leurs anciennes mielles cultivées ou pâturées et leurs talus arborés. Mais le substrat reste partout sablonneux et la flore très diversifiée. De plus il se trouve que le site dans son ensemble est l’un des mieux étudiés de Normandie et qu’il est sans nul doute, en termes de biodiversité, le premier site naturel de la Manche. Plusieurs reconnaissances scientifiques l’attestent (Znieff, ZPS, inventaires, espèces protégées…). Quant au pittoresque, à la qualité paysagère, il suffit d’ouvrir les yeux ou d’interroger les promeneurs. Ils sont émerveillés : c’est l’un des plus beaux sites du département ! Le classement est parfaitement justifié et c’est pour chacun une évidence qu’il faille lui éviter d’être « banalisé » ou « artificialisé » !

… Et pourtant le nouveau parking et son aménagement artificialisent et banalisent le site

Le principe d’un parking étant « acté » autour de la nouvelle maison acquise par le Conservatoire, ancienne ferme Borde, on attendait de cet organisme de protection du littoral que, conformément à sa mission, il conçoive une aire de stationnement rustique avec le minimum d’aménagement et de signalétique. Or que voit-on sur le terrain ? De larges allées rectilignes, balisées, durcies, grises, encailloutées, des ganivelles (provisoires espérons-le), plusieurs portiques anti-camping-car, une barrière métallique… C’est peu dire que le site est banalisé ou artificialisé, nous dirions plutôt défiguré, dé-naturé. Ce qui n’empêche pas le Conservatoire de planter son panneau « site naturel protégé » !!

On se fait une autre idée d’un « Site naturel protégé » !

Ici s’étendait un milieu naturel vivant…

Quand on nous a présenté le projet, nous n’avions pas remis en cause l’existence d’un parking à cet endroit dans la mesure où il permettait de supprimer deux aires de stationnement sur les dunes, celle de la cale des Moulières et celle du Monument Lechanteur. Nous avions d’ailleurs suggéré que les lignes de véhicules (mais en faut-il vraiment ?) soient séparées par des micro-talus sableux destinés à favoriser la nidification des hyménoptères fouisseurs. Ces talus ont été édifiés et apparemment il n’y a pas eu d’apport de terre. Cet aménagement léger, fait de sable, nous semble compatible avec le classement du site. Mais cet endroit devait absolument rester naturel, avec ses irrégularités de terrain et sa flore d’origine. Le public aurait très bien compris et accepté les raisons de ce choix. C’était même le rôle pédagogique du Conservatoire d’expliquer que nous sommes dans un site naturel d’une exceptionnelle qualité qui bénéficie de nombreuses protections et que son classement le préserve de toute banalisation, de toute altération, qu’enfin une aire de stationnement rustique est loin d’être un désert de vie et qu’elle ménage une certaine authenticité paysagère. Le soir, quand les véhicules ont quitté le site, la dune retrouve un aspect naturel !

Si la barrière est nécessaire, pourquoi ne pas avoir choisi la barrière coutançaise traditionnelle en bois ?

Et voici la superbe allée (route ?) d’accès au parking, bien droite, bien propre, large comme une avenue, sans ornières, sans flaques d’eau, sans chardons, sans vie.

Alors on se pose deux questions : comment est-il possible que la Commission des sites accorde une telle dérogation ? Et comment imaginer un instant que ce soit précisément la structure la plus connue de protection du littoral qui l’ait sollicitée ?
Le classement d’un site a-t-il encore un sens, il est permis de se le demander.


 

Share Button
Lien pour marque-pages : Permaliens.

Les commentaires sont fermés