Le marais de Sainte-Anne en danger
L’enjeu écologique : milieu rare, issu d’une évolution naturelle sur plusieurs milliers d’années, les tourbières abritent une diversité biologique remarquable et ont un rôle important dans les cycles de l’eau et du carbone.
La tourbière de Baupte est un site situé dans les marais du Cotentin et du Bessin, sur les communes de Saint-Jores et Gorges. La tourbe est exploitée de façon industrielle depuis plusieurs dizaines d’années, pour différents usages successifs.
En 2006, la société Cargill est autorisée à continuer l’exploitation de tourbe et à prévoir la réhabilitation du site à échéance de 2026. La décision est prise avant tout pour ménager le monde agricole, dont les terres ont été rendues cultivables grâce à l’assèchement des marais par l’exploitation.
Cependant, une nouvelle technique d’extraction sous eau, lui permet de ne pas s’étendre sur le marais de Sainte-Anne. C’est ainsi un milieu tourbeux de plusieurs milliers d’années rendant bien des services, gratuits pour l’homme, qui est conservé.
Rappelons que les tourbières :
- permettent la purification de l’eau et de l’air et participent ainsi naturellement à assurer leur bonne qualité ;
- stockent le CO2, en constituant un puits de carbone, et ainsi limitent naturellement le changement climatique ;
- stockent de grands volumes d’eau qu’elles restituent progressivement, en régulant naturellement les débits des eaux superficielles et rechargeant les nappes phréatiques. Comme des éponges, elles emmagasinent l’eau en hiver et la restituent naturellement lors des besoins estivaux (période de sécheresse).
Le marais de Sainte-Anne a la particularité de se trouver au-dessus de l’aquifère du bassin de la Sève. Agissant comme un bouchon, il préserve la ressource en eau, utilisée par le Sympec (Syndicat Mixte de Production d’Eau du Centre-Manche) pour la distribution d’eau potable de l’ensemble du secteur.
Malgré son exploitation, le site de la Tourbière de Baupte reste un haut lieu de biodiversité, reconnue à l’échelle nationale (inventoriée en zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique de type I (ZNIEFF « marais de la Sève »)), et à l’échelle européenne (inventoriée dans le réseau Natura 2000).
Sont, en effet, présentes des espèces végétales post-glacières. Avec le réchauffement climatique, les tourbières sont les seuls milieux ayant permis leur subsistance. Ainsi, sont inventoriées depuis plus de 15 ans sur le marais de Sainte-Anne les espèces de Drosera intermedia (Rossolis intermédiaire) et D. rotundifolia (Rossolis à feuilles rondes), Myrica gale (Piment royal) et Narthecium ossifragum (Narthécie des marais ou Brise-os). De fait rares, elles sont protégées et préservent par là-même leur habitat très spécifique, les tourbières à sphaignes. Or, du fait de la surexploitation des tourbières en France, il ne reste à ce jour que peu d’hectares sur l’ensemble du territoire national.
L’exploitation du marais de Saint-Anne : une perte inestimable pour la biodiversité
En 2015, la société Cargill, cesse son activité d’extraction de tourbe. Toutefois, le marais de Sainte-Anne est menacé par l’arrivée d’une société, la SA Florentaise qui reprend l’exploitation du site à des fins horticoles. Pourtant, des alternatives existent de longue date pour ne plus détruire de nouveau site.
Manche-Nature alerte en avril 2016 la SA Florentaise de l’interdiction de détruire les espèces végétales protégées présentes sur le site et leur habitat si précieux. Elle est également informée que l’autorisation d’exploiter la tourbière de Baupte délivrée au titre des installations classées pour la protection ne vaut pas dérogation de destruction au titre de la législation espèces protégées.
Mais, la convoitise étant plus forte que la raison écologique, les premiers coups de pelleteuse sont donnés durant l’été 2016. Une plainte est déposée auprès des services de l’ONCFS, compétente en matière d’espèces protégées.
Les constatations de terrain confirment la destruction des espèces végétales protégées. Toutefois, une réhabilitation du site est encore possible.
Hélas, l’exploitation se poursuit jusqu’à détruire de manière irréversible 1,5 hectares du marais de Sainte-Anne.
La tourbe est considérée comme une ressource non renouvelable à l’échelle humaine, la reconstruction mettant des milliers d’années.
Le jugement du Tribunal correctionnel de Coutances attendu le 15 octobre 2019
Des poursuites ont été engagées par le parquet de Coutances contre la société et son représentant, devant le Tribunal correctionnel à l’audience du 17 septembre 2019.
Manche-Nature s’est constituée partie civile pour défendre les intérêts de la préservation de la nature, et présenter l’enjeu de ce dossier.
Le délibéré prévu le 15 octobre 2019 est important, la société ayant déclaré continuer à extraire la tourbe sur le marais de Sainte-Anne.
Le jugement, s’il reconnaît sa culpabilité, doit permettre l’arrêt de l’exploitation pour que cesse cette destruction et que soit sauvegardé ce qui peut encore l’être.
Voir notamment les liens suivants :
http://www.pole-tourbieres.org/IMG/pdf/5846.pdf
https://inpn.mnhn.fr/docs/ZNIEFF/znieffpdf/250006490.pdf
http://www.donnees.normandie.developpement-durable.gouv.fr/pdf/ZNIEFF/250006490c.pdf
http://www.donnees.normandie.developpement-durable.gouv.fr/pdf/N2000/FR2500088f.pdf
http://www.donnees.normandie.developpement-durable.gouv.fr/pdf/N2000/FR2500088c.pdf