Le rendez-vous de la dernière sortie Manche-Nature avait été fixé le samedi 13 janvier à l’orée de la forêt domaniale de Saint-Sauveur-le-Vicomte, le dimanche étant un jour de chasse peu propice à la promenade, naturaliste ou autre. C’était oublier que le samedi, peuvent se tenir d’autres rendez-vous cynégétiques, notamment des battues au renard ou au gros gibier. Bref ce samedi matin, il y avait une affluence de gens d’armes en gilet fluo et de meutes de chiens excités par les trompes de chasse, et les chasseurs avaient selon leur habitude barré les accès aux allées forestières. Bien sûr c’est pour la sécurité des personnes mais il est permis de se poser quelques questions : de quel droit cette corporation se permet-elle d’interdire l’accès à un endroit public, qui plus est l’une des rares forêts domaniales du département, espace de détente et de liberté, surtout le week-end ? Et puis, l’élimination d’animaux sauvages indigènes, prétendus nuisibles ou trop nombreux, a-t-elle une justification ? Écologique certainement pas !
Résignés, nous avons dû nous rabattre sur les prairies environnantes, bordées d’une bétulaie et limitées par un petit cours d’eau le long duquel nous avons trouvé notre bonheur, des souches pourrissantes et des branches arrachées par les tempêtes. Les naturalistes savent se contenter de peu, dès lors qu’il y a de la vie. Et même en plein hiver, ces micro-habitats abritent une foule de petites bêtes, plus ou moins engourdies ou même en diapause hivernale : des gastéropodes tels que l’imposant Limax cinereoniger, une limace strictement forestière, des mille-pattes, lithobies ou Polydesmus, des cloportes de plusieurs espèces, des thysanoures, des collemboles, divers coléoptères comme le silphe Phosphuga atrata, le carabe aux élytres soudés Cychrus caraboides ou encore le très rare lucanide Sinodendron cylindricum, dont nous avons placé l’image dans notre photothèque ! (A voir ici)
Pour le profane, la découverte la plus spectaculaire fut celle d’une salamandre, car autant il est facile d’observer la larve en passant le troubleau dans les marettes des bois et prairies, autant il est peu fréquent de débusquer l’adulte, sous des tas de pierres ou des bouts de bois.
De retour dans la forêt proprement dite, nous avons pu explorer en fin de matinée un secteur où la battue avait pris fin et, comme le ciel s’était un peu éclairci, nous avons pu identifier les cris et les chants de plusieurs passereaux sylvatiques tels que la sittelle torchepot, le grimpereau des jardins, la mésange nonnette ou la ravissante mésange huppée. Bien sûr nous attendons le printemps avec impatience mais il est toujours intéressant de savoir ce qu’il se passe au mois de janvier dans une forêt.