Après avoir dénoncé les conditions déplorables d’abattage des animaux dans certains abattoirs, l’association L214 nous livre cette fois-ci un reportage édifiant sur l’élevage des poules pondeuses dans l’une de ces usines à œufs surdimensionnées. Elles y sont maintenues en cage, sans qu’elles ne voient la lumière du jour, au milieu de leurs congénères « crevées », des poux, d’asticots dans des bâtiments dont l’état de délabrement et sanitaire est consternant.
Ces œufs sont commercialisés sous la marque MATINES propriété du groupe AVRIL (alias SOFIPROTEOL) dont le président du conseil d’administration n’est autre que Xavier Beulin, entre autre président de la FNSEA.
Dans l’Ain, le Gaec du Perrat a deux bâtiments de 100 000 poules chacun, produisant 150 000 œufs par jour.
Il faut savoir que dans la Manche se trouve à Montbray, l’un des plus gros élevages de France, avec un bâtiment de 210 000 poules et un autre de 70 000 poules, produisant 250 000 œufs par jour, mais aussi des nuisances (odeurs, poussières de fientes, mouches) qui agrémentent la vie des riverains.
On comprend pourquoi les exploitants de cette usine à œufs ne laissent entrer que les services de la Préfecture qui ne trouvent rien à redire, et lorsqu’ils s’y rendent ne constatent comme par hasard aucune nuisance ?
Par contre cela fait plus de quatre ans que les riverains se plaignent régulièrement, et il semblerait qu’enfin le maire de la commune ait pris conscience du problème ! (Voir le reportage de France 3 Normandie)
Affaire à suivre…
Un mode d’élevage à dénoncer
Ces agro-industries sont aux normes de la directive européenne adoptée en 1999, en vigueur depuis 2012, prévoyant un espace pour chaque gallinacée de 750 cm2 soit à peine plus que la surface d’une feuille A4 et en outre un nid, un perchoir, une litière pour gratter et picorer.
Il est précisé dans le reportage qu’au Gaec du Perrat, le nid est remplacé par des lanières en plastique, des barres de fer pour les perchoirs, mais de litière point.
En ce qui concerne l’élevage de Montbray, rien ne peut être précisé, car seuls les représentants de la DDPP (Direction Départementale de la Protection des Populations) peuvent y pénétrer et assurent que tout va bien.
En France près de 70 % des œufs consommés sont produits en batterie.
Il vaut mieux en manger moins, mais de meilleure qualité en consommant au minimum des œufs de poules élevées en plein air, et si possible en label rouge ou bio.
Car certes la qualité nutritive est meilleure pour les œufs des poules élevées en plein air, la qualité des aliments qui leur sont donnés est importante, et la différence est sensible pour les œufs label rouge ou bio.
La remise en cause de ce modèle de production est en cours
Il est aussi important de noter que l’agriculture française a singé depuis les années 1950 l’agriculture américaine, mais cette dernière commence un tournant important en matière de production d’œufs de poules ainsi que le révèle un article du journal LE MONDE du 10 mai 2016.
Ainsi le groupe WALMART, plus gros distributeur états-unien, annonce l’arrêt de la vente d’œufs de poules élevées en cage d’ici à 2025.
Des chaînes de « restaurants » américaines ont cessé leur approvisionnement de ce type d’œufs.
En Europe, seuls deux pays ont interdit les élevages de poules pondeuses en cage, la Suède en 1994 et l’Autriche en 2004. L’Allemagne l’envisage à l’horizon de 2025.
En France seule la chaîne MONOPRIX a ôté de ses rayons les œufs de poules élevées en cage.
Le ministre de l’agriculture Stéphane LE FOLL souhaite faire voter un « délit de maltraitance animale », bien, mais ce n’est pas suffisant.
Revenons à des élevages éthiques
Au lieu d’anticiper les désirs des agro-industriels, en réduisant la réglementation des ICPE (Installations classées pour la protection de l’environnement), le ministre devrait écouter les environnementalistes et les consommateurs en interdisant purement et simplement certains élevages industriels, comme les poules pondeuses en cage, mais également en réduisant drastiquement le nombre d’animaux dans les porcheries, les stabulations laitières, ou les ateliers de veaux en batterie, sans oublier les élevages de poulets, canards, pintades et autres lapins hors-sol.
En attendant l’application de ces mesures, il faudrait n’installer des agro-industries que sur des friches industrielles et en bordure d’autoroute ou de grandes routes, comme d’ailleurs cela aurait du l’être tant pour les poules pondeuses de Montbray que pour les futures serres à tomates de Brécey.
Il est à regretter que dans le département de la Manche l’on ne traite que la forme de l’étude d’impact et seulement une partie du fond, sans aller au-delà et se poser la question : pourrait-on faire autrement, anticiper les nuisances ?
De plus, lorsque l’association Manche-Nature obtient, à juste titre, l’annulation d’autorisations préfectorales, par exemple en matière de porcheries, la Préfecture accorde au pétitionnaire une autorisation provisoire d’exploiter mais en plus lui demande de régulariser ce qu’il fait volontiers et obtient une nouvelle autorisation d’exploiter qui est tant pour l’étude d’impact que pour l’autorisation préfectorale un copier-coller de la précédente.
Mais le chemin est long pour y parvenir, la balle est tant dans le camp des paysans que des consommateurs. Mieux vaut manger moins mais bon.
Joël BELLENFANT