Charte Riverains

Image par Franck Barske de Pixabay

La grande entourloupe des ZNT
(Zones de non Traitement)

Ces zones de non traitement, doivent faire l’objet de chartes rédigées par les Chambres d’Agriculture, puis après consultation publique, être validées par les Préfets. Ces chartes sont issues initialement de la loi EGALIM de 2018, suivie d’un décret et d’un arrêté dont la genèse figure ci-après.

Rappel de la genèse de ces chartes :

Les Parlementaires, dans la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous dite “loi EGALIM », adopte un amendement gouvernemental visant à modifier l’article L. 253-8-III du code rural et de la pêche maritime (CRPM). Cet article 83 subordonne l’utilisation de produits phytopharmaceutiques à des mesures de protection des personnes habitant à proximité des zones susceptibles d’être traitées, sans précision sur ces mesures. Il prévoit que les utilisateurs formalisent ces mesures dans une charte d’engagements à l’échelle départementale. Enfin, il renvoie à un décret le soin de préciser le contenu du dispositif.

Le décret d’application est le décret n°2019-1500 du 27 décembre 2019 relatif aux mesures de protection des personnes lors de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques à proximité des zones d’habitation. Ce texte fixe le contenu des chartes, avec une obligation d’y intégrer les modalités d’information, les distances de sécurité par rapport aux zones d’habitation et les mesures apportant les garanties équivalentes et les modalités de dialogue et de conciliation. Les mesures qui doivent ou peuvent être contenues dans la charte sont énumérées limitativement dans ce décret. Il indique en outre les modalités d’élaboration par les utilisateurs des chartes et de validation par le Préfet.

Ce décret est lui-même précisé par un arrêté du 27 décembre 2019 relatif aux mesures de protection des personnes lors de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et modifiant l’arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l’article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime. Cet arrêté fixe, pour tous les produits actuellement autorisés (hors produits de bio contrôle, ou composés uniquement de substances à faible risque ou de base), des distances minimales à respecter lors du traitement des parties aériennes des plantes aux abords des habitations et les possibilités de réduire ces distances dans le cadre des chartes d’engagements. Il laisse à l’ANSES le soin de préciser les distances de sécurité pour tout nouveau produit autorisé ou ré autorisé.

Dans le département de la Manche la consultation publique a été organisée du 25 mars au 23 juin 2020, et est retournée en chambre d’agriculture. La chambre d’agriculture a précisé que pour l’élaboration de la charte elle s’était associée les partenaires départementaux représentatifs, mais diantre lesquels ? En tout cas pas les associations environnementales.

En septembre, la chambre d’agriculture a organisé le Premier comité de suivi de la charte départementale d’engagements des utilisateurs agricoles de produits phytosanitaires. et là, trois associations environnementales agréées ont été invitées :

Manche-Nature, Le Grape et la Fédération des chasseurs de la Manche ! Cherchez l’erreur ?

Étaient aussi présents des représentants de l’État et des Collectivités Territoriales, des représentants de la profession agricole, mais la Confédération Paysanne a décliné l’invitation, des représentants de l’activité économique agricole, la protection sociale agricole, L’UFC que Choisir pour les consommateurs, et Familles Rurales.

Chronologie du déroulement de la réunion :

Le Président Ferey prend la parole pour rappeler l’objectif de la réunion à savoir la mise en place du comité de suivi, en ajoutant que nous ne sommes pas là pour remettre en cause les pesticides.

Puis il remercie les présents s’adressant à chaque groupe maniant la brosse à reluire ou les piques feintes. Il rappelle néanmoins que cette charte doit être validée par le préfet (et là dans nos esprits mûrit l’idée que le préfet ne signe pas ce qui constituerait un précédent, en lui envoyant une petite bafouille publique?) Il attend des participants des propositions pour faire vivre ce comité de suivi en attendant que des alternatives soient trouvées aux pesticides, puisque l’échéance gouvernementale est fixée à 2025, enfin pour ceux qui veulent bien y croire.

Il n’empêche les alternatives non chimiques sont connues et pratiquées depuis plusieurs décennies, et notamment dans notre pays et dans la Manche en particulier par les agriculteurs bios, y compris des céréaliers, qui talonnent d’ailleurs l’agriculture conventionnelle au niveau rendement. Cela passe donc par cette agriculture bio, mais aussi la permaculture, et l’agro foresterie. Le problème c’est le vouloir dans la tête des agriculteurs, mais aussi une volonté politique qui doit commencer par impulser un changement profond et radical du mode de production agricole.

Le président Ferey rappelle ensuite le concours de la MSA et d’universitaires sur l’incidence des produits phyto sanitaires sur la santé. Il cite les plans Certi phyto, qui en est à sa troisième mouture.

C’est comme pour l’agriculture raisonnée, il suffit de régler les injecteurs des épandeurs, mais la dose utilisée est la même, et l’utilisation de pesticides ne cesse d’augmenter en France en signalant que la Manche est dans le peloton de tête.

Il ne manque pas de rappeler des mesures prises jadis afin d’éviter les épandages pendant les fins de semaines, mais quant il parle des règles à savoir la météo, le vent, il ne faut pas être dupe, certains épandent n’importe quand se fichant éperdument des riverains.

« Le maïs bénit des dieux » tels sont les propos du président Ferey ! Cela dépend pour qui, mais dans notre département les haies talutaires ou plates ont disparues pour laisser place aux engins de plus en plus gros pour cultiver des parcelles agrandies. Or le maïs demande beaucoup d’eau et par aspersion laquelle génère une évaporation d’environ 60 %. Sans oublier les intrants chimiques et les pesticides dont on l’abreuve, les semences hybrides étant enrobées de pesticides arborant une couleur rose alors que le grain est jaune.

Moment d’émotion quand le président Ferey paraît effaré par les effets de la Covid qui ont renvoyés les consommateurs vers des achats de premiers prix. Mais il a oublié de préciser que beaucoup en ont profité pour s’approvisionner en bio, en circuits courts, en amap (association de maintien de l’agriculture paysanne). Mais dans les circuits courts, il faut privilégier les paysans bios, par rapport aux conventionnels qui oublient de préciser que leurs légumes contiennent des résidus de pesticides.

Et de conclure, magistral : « nos exploitations sont des entreprises » eh oui c’est bien là le problème, de paysans ils sont devenus entrepreneurs. Il se situe bien dans la logique économique capitaliste.

Ensuite il confie la parole à M. Stéphane Travers, député de la Manche, ancien ministre de l’agriculture. Grand moment de langue de bois politique et d’autosatisfaction sur son rôle en tant que ministre de l’agriculture et des débats autour de la loi EGALIM qui devait entre autres réglementer l’usage des pesticides. Or tous les textes, y compris sur le Glyphosate, ont été retoqués et repoussés à des dates ultérieures.

D’où l’idée qu’il revendique de mettre en place des chartes d’utilisation. Celui-ci ne voulant pas que les mondes urbains et ruraux ne s’opposent, et qu’il fallait trouver des compromis.

Dans le cas présent on n’est plus au stade du compromis mais de la compromission et de la soumission au diktat de la sacro-sainte FNSEA. Ce que n’a pas manqué de lui rappeler en termes mesurés le représentant de l’association Que Choisir. L’ancien ministre a rappelé souhaiter par ces chartes que les riverains soient en sécurité.

Si l’on a bien compris, plus on réduit les distances d’épandage plus les riverains sont en sécurité sanitaire ?

Puis il a terminé son intervention en évoquant le climat de violence qui s’instaure dans la société en pointant du bout des lèvres les agressions envers les agriculteurs, les incivilités dont sont notamment victimes certains élus, dans un amalgame de violence généralisée, en se gardant bien de rappeler les manifestations violentes de la FNSEA, FDSEA et des JA. Ces postures attisent l’exaspération et parfois la violence ce qui n’est bon pour personne.

Enfin, il faut rappeler que la seule décision positive prise par le ministre Travert a été le refus de renouveler la dérogation pour l’utilisation du 1-3 dichloropropène (interdit par l’Europe depuis 10 ans), utilisé par les producteurs de carottes de Créances pour lutter contre un prédateur spécifique.

Le tour de table continue avec l’intervention du Président de Que Choisir (Manche), qui tance gentiment mais fermement l’ancien ministre sur la situation ubuesque des pesticides et sa gestion lors de son ministère.

Le président départemental de la COORDINATION RURALE est présent mais n’y dit mot.

La représentant de BIO en Normandie, ne dit mot non plus, ce qui est pour le moins étonnant.

La CONFEDERATION PAYSANNE n’a à juste titre pas répondu à l’invitation.

Puis vient l’intervention du 4e vice-Président de la chambre d’agriculture, qui prône « concertation et dialogue ! »… Curieux de la part d’un monsieur qui lors des commissions de travail sur une charte bocage pour les PLUi du Sud Manche, en a miné les réunions, allant jusqu’à demander l’exclusion des associations environnementales … Et de fait, quelques jours après la finalisation de cette charge bocage, elle a été dénoncée par la Chambre d’Agriculture dans la presse.

Suit l’intervention du GRAPE, assez déconcertante, sans proposition mais surtout sans remise en cause de la charte et encore moins des pesticides (alors qu’il a organisé par ailleurs le colloque « demain sans pesticides »).

Figurait parmi les associations environnementales agréées les chasseurs de la Manche, ce qui pour le moins est assez peu compréhensible. Mais ils sont soutenus au plus haut niveau de l’État et par nombre de présidents de régions.

Ensuite (et enfin vous allez comprendre pourquoi) vient la présentation des 3 membres de Manche Nature, dont l’un s’étonne d’être là alors qu’à aucun moment on ne nous a demandé notre avis pour l’élaboration. Puis un autre prend la parole et entame la lecture d’un texte liminaire préparé en amont par les trois membres présents :

« Réunion de présentation de la charte d’engagement des utilisateurs agricoles de produits phytopharmaceutiques de la Manche par la Chambre d’agriculture.

Manche Nature ne participera pas au comité de suivi de cette charte dont le contenu et l’élaboration révèlent une véritable mascarade. Son contenu n’a pour seul objectif que de restreindre encore les obligations particulièrement minorées données par la loi EGALIM et les textes légaux.

Son élaboration laisse pantois. Les travaux ont été menés d’une façon partiale au vu des structures qui en sont à l’initiative : Les JA, la FNSEA, la Chambre d’agriculture.

La prétendue consultation repose sur un questionnaire très fermé où ne sont envisagés ni des alternatives à l’utilisation des produits considérés à risque pour la santé humaine et la biodiversité, ni même une utilisation raisonnée de ces même produits en imposant des distances par rapport aux habitations et au systèmes hydriques plus larges que celles imposées par la loi notoirement insuffisante alors que les pollutions ne cessent d’augmenter au mépris des risques sanitaires et de l’évolution du réchauffement climatique constaté. Ce n’est pas l’adoption de bonnes pratiques agricoles qui est affirmé mais la continuation et l’accentuation de l’existant.

Seules 145 personnes ont répondu à ce questionnaire par trop orienté. Elles ne sont pas représentatives des attentes des citoyens et citoyennes. Les milliers de personnes qui se sont mobilisées autour du mouvement des coquelicots dans la Manche depuis deux ans sont autrement porteuses des attentes de la population pour une agriculture respectueuse dans ses pratiques de la biodiversité et maitrisant les risques.

Manche Nature n’apportera pas sa caution à ce modèle agricole qui se dessine dans cette charte et qui ne contient pas d’engagement réel de la Chambre d’agriculture pour prendre en compte les inquiétudes de la population. Et ce notamment ou l’agro-industrie se positionne de plus en plus vers une production de plus en plus intensive allant au-delà des besoins alimentaires, témoin en est la multiplication des projets de méthanisation industrielle et la destruction du bocage.« 

A la suite de cette lecture dans un mouvement coordonné, les trois membres de MANCHE NATURE se lèvent et quittent cette réunion de dupes.

Le président Ferey, regrette ce départ, le taxant de politique de la chaise vide, mais précise qu’il continuera à inviter l’association aux séances du comité de suivi.

Conclusions :

a) A Monsieur FEREY un membre de Manche Nature a précisé qu’il n’était pas dans leur habitude de pratiquer la politique de la chaise vide, la preuve en est que 3 membres sont venus assister à cette parodie de démocratie, « …puisqu’en début de séance vous avez affirmé qu’il n’est nullement question de remettre en cause ni la charte ni les pesticides.« 

b) Que les 3 membres sont partis après vous avoir donné notre avis sur cette charte, et qu’en conséquence ils ne pouvaient participer à un comité de suivi de son application, parce qu’ils refusent les pesticides chimiques de synthèse, donc par voie de conséquence la charte d’épandage.

c) Parce que cette charte départementale, préparée par la chambre régionale d’agriculture, est en régression par rapport aux textes réglementaires issus de la loi EGALIM, déjà eux-mêmes régressifs.

d) Parce que le gouvernement par le biais des chambres (Parlement-Sénat) s’apprête à faire voter une disposition législative d’utilisation des insecticides néonicotinoïdes (en enrobage de semence) pour la culture de la betterave. Ce à quoi les ONG et les associations environnementales s’opposent fermement.

D’ailleurs récemment sur FR3 Normandie un reportage a été diffusé montrant des betteraviers productivistes et un betteravier bio qui n’était pas étonné vu les monocultures pratiquées, sans assolement ni rotation, mais n’avoir lui aucun problème.

e) Que les objectifs de réduction d’utilisation des pesticides reculent constamment.

f) Que la santé des personnes, riverains, utilisateurs aspergeurs, et consommateurs n’est absolument pas prise en compte, alors qu’il suffit de consulter le site de l’association des victimes des pesticides ou de Générations Futures pour constater l’ampleur des problèmes.

Site du collectif de soutien des victimes des pesticides de l’ouest

https://www.generations-futures.fr/actions/victimes-des-pesticides/

Joël Bellenfant

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