Peut-on construire une bergerie dans un Espace remarquable du littoral ? Oui… si elle est de dimension modeste et justifiée par des impératifs techniques !
C’est en substance ce que rappelle le Conseil d’Etat dans sa décision du 17 octobre 2014, qui vient de nous être communiquée, et qui confirme l’illégalité de la bergerie de M. Cerbonney à Genêts au regard des dispositions de la loi Littoral.
M. Cerbonney est éleveur d’agneaux de pré-salé sur la commune de Genêts. Après s’être vu refuser plusieurs permis de construire, il a fait édifier en 2009, en toute illégalité, un bâtiment d’environ 1000 m² (21 mètres de large et 46 mètres de long) à usage de bergerie. Cette construction est située dans un espace naturel protégé par la loi Littoral.
Suite à un procès verbal de la gendarmerie constatant l’infraction, au lieu de le sanctionner comme tout justiciable, le maire de Genêts a décidé de régulariser sa situation. Un permis de construire lui a ainsi été délivré a posteriori le 29 août 2011. Or, pour être légal, ce permis devait respecter les dispositions de la loi Littoral.
Cette loi autorise les constructions de bergerie dans les espaces remarquables du littoral à la condition première que l’aménagement soit « léger ».
Appliquant ces dispositions, les juges ont considéré que le bâtiment était d’une telle dimension qu’il ne pouvait être regardé comme une bergerie légère pouvant être autorisée. Les juges ont précisé que « si la commune et M. Cerbonney se réfèrent à une circulaire ministérielle … du 15 septembre 2005, celle-ci précise, en tout état de cause, que le caractère léger d’une construction s’apprécie, notamment au regard de « la taille de la construction qui devra conserver des proportions raisonnables » » et conclut « qu’ainsi, en autorisant … l’édification d’un tel bâtiment dans cet espace remarquable, le maire a entaché sa décision d’une erreur d’appréciation » et a annulé le permis litigieux1.
Le juge rappelle ainsi que sous prétexte d’une activité économique nécessitant la proximité immédiate de l’eau, on ne saurait construire des bâtiments de dimension industrielle. A proximité des herbus, on ne peut tolérer que de petites structures légères rendues indispensables par des nécessités techniques.
Or, tel n’est pas le cas du bâtiment autorisé par le maire de Genêts dans les espaces remarquables du littoral.
Il sera précisé que le pétitionnaire indique dans son dossier de permis de construire, que « le bâtiment … sera utilisé essentiellement pendant la période d’agnelage, regroupée sur une période de 3 mois. Il n’y aura donc pas de va et vient incessant, mais une seule entrée et une seule sortie par hiver pour les brebis. En dehors de cette période les brebis et les agneaux restent, nuit et jour, sur l’herbu, le retour à la bergerie ne se faisant qu’exceptionnellement pour des soins de vermifugation, tailles de pieds, tonte … ceci pendant de courtes périodes. […] Lors des marées, l’exploitation possède des terrains de repli d’une surface supérieure à 10 hectares »2. Dès lors, cet imposant bâtiment de 1000 m² ne se justifie pas en espace remarquable du littoral, ni à proximité du rivage. Il peut très bien être situé en dehors de ces espaces protégés, sans remettre en cause l’activité d’élevage.
1 Citation de l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes du 11 octobre 2013, commune de Genêts, n°12NT02432
2 Document PC 15 du dossier de permis de construire titré « notice de l’activité économique »