Présentation de mon jardin écolo
Depuis 5 ans, j’ai quitté avec ma famille la vie parisienne pour la Normandie. Située en sortie de ville et entourée d’herbages avec chevaux, vaches normandes, notre maison est entourée un jardin de 800 m2, qui à notre arrivée n’avait pas grand-chose d’accueillant pour la biodiversité : lauriers palmes, bambous, herbe rase, piste (allée) gravillonnée arrosée de désherbant. Seul un embryon de haie composée d’aubépine, lilas… semblait apprécié par les oiseaux. Pas tellement notre conception des choses ! Pourtant, le bocage même dégradé et la vallée de l’Aure à moins de 500 mètres peuvent offrir des possibilités intéressantes de colonisation par la faune sauvage ! Votre mission si vous l’acceptez : favoriser oiseaux, mammifères, insectes, araignées, amphibiens, autant d’auxiliaires pour le jardinier !
Partant de ce constat, j’ai entrepris la transformation de ce jardin très aseptisé en jardin naturel ! Tout d’abord, j’ai supprimé la piste, détruit un mur en parpaings et une place de stationnement automobile pour remplacer ces surfaces par de la terre. Celles-ci sont aujourd’hui occupées par deux zones de friches avec plantes annuelles et vivaces. À noter la présence de la cardère des tisserands provenant de la banque de graines de La Hulotte. Dans un pan de mur conservé, j’ai réalisé des trous à l’attention des troglodytes, et il est aujourd’hui entièrement recouvert par le lierre et les ronces. Seconde action prioritaire, arrachage des bambous, lauriers palmes, et reconstitution d’un talus avec des essences indigènes plus diversifiées comme des noisetiers, buis, frênes, houx, charmilles… Petite entorse aux bonnes pratiques, j’ai toutefois planté des buddléias, arbuste à l’odeur me rappelant des souvenirs d’enfance et surtout permettant l’observation de nombreux papillons. Avec les pieds de fenouils proches colonisés pas ses chenilles, le magnifique machaon vient butiner les fleurs, au milieu de nombreuses petites tortues et paons du jour.
Inconcevable pour moi de ne pas entreprendre cet aménagement, j’ai creusé une mare d’environ 6 mètres sur 3 mètres, et profonde d’1,20 mètres. Les plantes aquatiques proviennent d’une mare agricole proche appartenant à un maraîcher biologique. La colonisation par les libellules et amphibiens ne s’est pas fait attendre : on y rencontre aujourd’hui 4 espèces de tritons dont le magnifique crêté, deux espèces de grenouilles et le crapaud commun. Depuis deux saisons, une rainette verte me nargue dans une haie voisine, j’ai bon espoir d’en accueillir une un jour ! Les coléoptères aquatiques sont nombreux, gyrins, dytiques et même hydrophiles. Belle surprise il y a quelque temps, en partant à vélo à la gare : mon attention était attirée par une couleur vive sur une vieille pompe en fonte disposée en décoration au bord de la mare. Un jouet oublié par les enfants ? Non, il s’agissait d’un martin pêcheur scrutant l’eau à la recherche de nourriture ! Seule ombre au tableau, la crassule de Helms, espèce invasive, est présente mais un arrachage régulier permet de contrôler sa croissance. Si c’était à refaire, je choisirai les plantes à introduire avec plus d’attention pour ne pas introduire d’espèce envahissante. Et des épinoches introduites imprudemment pour faire plaisir à des enfants exercent une prédation sur les têtards d’amphibiens. Les pièges avec une bouteille en plastique et un appât de viande sont efficaces mais ils ont l’inconvénient de capturer aussi les tritons ponctués et crêtés !
Cerise sur le gâteau, une équipe de France 5 a filmé ma mare pour l’émission « Silence ça pousse ! », dont un numéro était consacré à ce thème et à l’action du conservatoire d’espaces naturels pour leur sauvegarde ! Des tas de branches, souches, tas de pierres sont disposés à plusieurs endroits, servant d’abri à la petite faune. Un talus, fauché une fois pas an seulement, abrite au milieu des graminées et orties la belle argiope, mascotte de notre association préférée ! Les nichoirs à oiseaux et chauve-souris disposés sur la maison rencontrent peu de succès, mis à part un couple de mésanges bleues. Un regret, la chouette chevêche, qui a déserté les combles suite à des travaux d’isolation, n’est pas revenue dans le nichoir pourtant spécialement installé pour elle. Rouge-gorge, mésanges, chardonnerets, troglodytes, moineaux, pinsons, pic vert, et même hérons sur le toit sont les oiseaux régulièrement observés sur le terrain. Mon jardin est un refuge GONm, où zéro produit chimique n’est utilisé. Un panneau « ici jardin sans pesticides » récupéré à Valence chez nos amis de la FRAPNA trône d’ailleurs fièrement, entraînant des discussions avec des voisins qui culpabilisent d’être adeptes des herbicides !
Participant au premier concours des jardins écologiques en 2015, organisé par le CREPAN, l’Agence de l’Eau Seine-Normandie et la communauté de communes Bayeux Intercom, j’ai été primé dans la catégorie 3 abeilles, c’est-à-dire comme jardin exemplaire ! Au cours de la remise des prix devant la presse locale, le vice-président de la collectivité en charge de l’eau potable a insisté sur le rôle à jouer par les jardiniers amateurs pour la reconquête de la qualité de l’eau, notamment à proximité des captages d’eau (comme c’est mon cas, où celui proche est fermé pour cause de pollution…) !
Moralité : le particulier peut agir en faveur de la biodiversité et de la protection de l’eau ! À côté des espaces victimes de pratiques agricoles intensives et des jardins s’apparentant à des déserts biologiques dans les lotissements, un jardin écologique peut constituer une véritable arche de Noé. C’est peu coûteux, demande moins d’entretien qu’un jardin avec plantes horticoles. Cela n’arrêtera pas l’érosion de la biodiversité, mais peut la retarder, et aider au maintien des fameuses trames vertes et bleues. Si ce n’est pas déjà la cas, à vos pelles, à vos pioches, à vos bêches ! Chiche !
Marc LE ROCHAIS