Enquête publique : les microcentrales sur la Vire

« Demande d’autorisation d’exploiter deux microcentrales et de démanteler deux anciennes microcentrales sur la Vire »

Tel était l’intitulé de cette enquête publique ouverte suite à la demande de l’entreprise SARL Usines du Bassin de la Vire.

Il y a 3 ans, l’association Manche-Nature a contesté ces autorisations administratives d’exploiter des microcentrales électriques sur la Vire. Ayant eu gain de cause devant le Tribunal administratif de Caen, l’exploitation est suspendue depuis. (Voir notre article)

Barrage à La Mancellière-sur-Vire

Barrage à La Mancellière-sur-Vire

Aujourd’hui, les industriels reviennent à la charge en présentant un mixte apparemment séduisant, mais dont les effets restent délétères pour la biodiversité et la qualité de l’eau. Manche-Nature a donc déposé un avis défavorable.

Voici le courrier envoyé fin mai au Commissaire-enquêteur

Déposition à l’enquête Publique : « Demande d’autorisation d’exploiter deux microcentrales et de démanteler deux anciennes microcentrales sur la Vire » concernant la demande de l’entreprise SARL UBV.

L’association Manche-Nature dont l’objet est « la protection active de la nature » à l’honneur de déposer à cette enquête.
Nous regrettons l’association de 2 types de projets en une seule et unique démarche administrative : sorte de « package » destiné à brouiller l’analyse et à forcer les conclusions générales. En effet, l’abandon d’un site ne peut en aucun cas faire office de mesure compensatoire à la réouverture d’un autre site.
À savoir, d’une part :
Un projet de restauration du fleuve par l’abandon et la remise en état de deux sites d’exploitation.
Et d’autre part :
Un projet de remise en service de deux installations de production hydroélectrique.

Les autorisations d’utiliser l’eau de la Vire pour les microcentrales hydroélectriques de Fourneaux et la Roque étant arrivées à expiration, la remise en état des sites est une obligation légale.
Le projet de restauration reçoit bien évidemment l’agrément de l’association, pourvu que les précautions d’usage soient prises lors des travaux.
Les projets de reprise de l’activité quant à eux, soulèvent de graves problèmes : en effet, le demandeur reconnaît lui-même :
« 6.1.6. ZONE INFLUENCÉE PAR LA REMISE EN FONCTIONNEMENT DE LA TURBINE DE LA MANCELLIERE
La remise en fonctionnement de la turbine de La Mancellière entraînera la fermeture de la vanne entre le 1er octobre et le mois d’avril (date variable suivant les années) et un exhaussement du niveau d’eau en amont de l’ouvrage sur un linéaire d’environ 2,1 km (jusqu’à l’ancien seuil d’Aubigny).
6.3.6. ZONE INFLUENCÉE PAR LA REMISE EN FONCTIONNEMENT DES TURBINES DE TESSY-SUR-VIRE
La remise en fonctionnement des turbines de Tessy entraînera un exhaussement du niveau d’eau en amont de l’ouvrage (jusqu’au pont de l’usine de Fourneaux). Ce linéaire de Vire sur environ 2 km est impacté par cet exhaussement. »
« Certes, ces exhaussements du niveau d’eau n’entraîneront pas d’ennoiement de terrain ».

Par contre ces exhaussements entraîneront l’ennoiement de nouvelles frayères en plus de celles reconnues sur les radiers observés des sites 1.2.3.4 entre la Mancellière et Ste-Suzanne-sur-Vire, et ce, jusqu’à Aubigny entre le 1er octobre et le mois d’avril (date variable suivant les années) pour la MANCELLIERE ; et sur environ 2 km supplémentaires pour TESSY. Ces dates englobent précisément celles du frai des salmonidés et leur croissance sur ces zones de frai et de  grossissement.
Les effets sur les espèces protégées, tel que le Martin-pêcheur présent également à l’amont de Tessy, sont également délétères.
On note donc l’absence de mesures compensatoires à la hauteur de ces impacts.
De plus, et substantiellement, dans l’éventualité de la remise en service du site de la Mancellière, la capacité d’autoépuration du fleuve se trouvera altérée, non seulement par l’absence d’oxygénation sur les radiers alors ennoyés, mais aussi par réchauffement de la masse d’eau soumise à un ensoleillement accru par le dispositif, ainsi qu’à la fermentation des vases déposées au fond d’un bief de retenue soumis à un régime d’écoulement lent : ce qui accroît le risque de dystrophisation rendant l’eau impropre à l’usage de potabilisation.
En effet, le site de la Mancellière se situe à environ 3 km du rejet de la station d’épuration de Condé-sur-Vire, et à 1 km de distance de la station de pompage de Baudre en vue de la potabilisation. En d’autres termes, la retenue du barrage se situe dans le périmètre de protection du captage. Il importe, dans ce périmètre de protection, de permettre au fleuve d’exercer l’entièreté de sa capacité d’autoépuration qui s’exprime au mieux en eaux courantes sur des habitats de flore et faune diversifiés.
Cet objectif « Défi 5 – Protéger les captages d’eau pour l’alimentation en eau potable actuelle et future » est fondamental dans le SDAGE pour une gestion équilibrée de la ressource en eau et permettant d’atteindre les objectifs environnementaux en 2016-2021 :
Cet aménagement détériorera donc de façon notable la qualité de l’eau par un fonctionnement moins naturel de la Vire et donc une moindre autoépuration.

En conclusion :
Notre avis sur cette enquête globale « Demande d’autorisation d’exploiter deux microcentrales et de démanteler deux anciennes microcentrales sur la Vire » est défavorable. Outre la spoliation d’un bien collectif que constitue une « rivière vivante », la loi n°92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau dispose en son article 1er : « L’eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d’intérêt général. L’usage de l’eau appartient à tous dans le cadre des lois et règlements ainsi que des droits antérieurement établis ».
L’hydroélectricité sur la Vire, « petit fleuve côtier, vulnérable », exploitée à des fins de bénéfices privés avec des subventions publiques (subvention de l’Agence de l’eau), constitue une atteinte majeure à la qualité de l’eau et à sa biodiversité pour un bilan énergétique très modeste. L’occasion d’affichage et d’exemplarité de compatibilité entre exploitation et préservation de la biodiversité, et d’expertise en la matière, est manquée. En l’occurrence, les choix sont strictement économiques et clairement exprimés en ces termes notamment à propos de l’abandon de l’option de turbine, dite ichtyo-compatible « changer la turbine par une turbine dite ichtyo-compatible, solution n’étant pas économiquement rentable (retour sur investissement après 23 à 35 ans) » (p 280).
Notre sentiment est que l’entreprise s’attache à son implantation sur la Vire pour des raisons historiques, pour ne pas dire affectives et familiales. En effet « M. GUERIN (fondateur de la SARL a mis en service 4 de ces usines à partir de 1942. Les investissements initiaux sont à ce jour, largement amortis.
Nous avons bien entendu le désir du demandeur : à savoir, qu’un site opérationnel (à Tessy) fasse fonction de devanture pour afficher et promouvoir l’expertise de terrain d’un fabricant de systèmes de régulation électromécaniques et électroniques.
Un seul site suffirait donc, et encore, à condition d’offrir des mesures compensatoires substantielles. En effet, nous pensons que la production d’énergie renouvelable s’oriente vers d’autres technologies que l’hydroélectricité sur les cours d’eau, dont le bilan environnemental est fortement négatif, et que s’investir sur un petit fleuve côtier aussi vulnérable sur lequel les enjeux d’actualité sont la potabilisation pour l’Agglomération Saint-Loise et le tourisme, relève d’un acharnement regrettable auquel nous nous opposerons.

ANNEXE

Rappel des enjeux majeurs du SAGE de la Vire
Validés par la CLE à l’issue du diagnostic, le 4 octobre 2012, les enjeux pour le territoire du SAGE de la Vire sont rappelés ci-dessous.

Conforter les actions sur les bassins d’alimentation des prises d’eau potable
  • Les enjeux liés à la qualité des masses d’eau de surface
  1. Améliorer la qualité des eaux de surface
  2. Lutter contre l’eutrophisation des cours d’eau. Nouvelle disposition du SDAGE : le bassin de la Vire est identifié comme un bassin à enjeux « locaux d’eutrophisation » contribuant de manière significative aux phénomènes d’eutrophisation.
  3. Conforter les actions sur les bassins d’alimentation des prises d’eau potable
  • Les enjeux liés aux étiages
  1. Sécuriser l’approvisionnement en eau potable dans le respect des milieux aquatiques.
  2. Conforter les actions sur les zones essentielles pour la recharge des eaux utilisées pour la production d’eau potable (bassin d’alimentation des prises d’eau potable, zones productives en eau…)

Les objectifs relatifs à la qualité des eaux, à la gestion quantitative de la ressource en eau et à la fonctionnalité des milieux aquatiques sont dotés d’un niveau de priorité 2. Ils constituent des thématiques trop liées pour être distinguées, notamment pour ce qui concerne l’alimentation en eau potable. Concernant la ressource en eau, il s’agit d’optimiser les ressources existantes.

La notion de taux d’étagement :

Le taux d’étagement est un indicateur physique qui permet l’identification des obstacles à l’écoulement dans les études de restauration de la continuité écologique d’un cours d’eau.
Retrouvez plus d’information dans cette note de synthèse de l’ONEMA.

Rappel des réflexions précédentes relatives à la Vire moyenne

La commission locale de l’eau de la Vire, lors de sa réunion du 16 décembre 2013, avait fixé un objectif spécifique d’amélioration de la fonctionnalité des milieux aquatiques pour la masse d’eau Vire moyenne (HR317), selon les termes suivants :
« […] un scénario indicatif d’aménagement de la masse d’eau HR317 motivé par une approche réaliste, comprenant la suppression des ouvrages sans enjeu économique et l’abaissement des autres ouvrages lorsque cela est possible, permettant de réduire la hauteur cumulée des ouvrages d’un tiers et ramenant le taux d’étagement de 66 % à 44 %.
[…] Ce scénario constitue une étape intermédiaire, la CLE se fixant pour objectif d’approcher 30 % de taux d’étagement à terme. »
Face à l’objectif de 30 % aujourd’hui inscrit dans le SDAGE 2016-2021 dans sa disposition D-6.68, la commission locale de l’eau a revu ses objectifs : Les objectifs quantifiés fixés pour les taux d’étagement.
Masse d’eau – Objectifs de taux d’étagement
Vire moyenne (HR317), tendre à terme vers un taux d’étagement global de 30 %.

Espèce invasive

Le Ragondin, espèce réservoir de la bactérie leptospirose responsable d’une grave zoonose (maladie transmissible à l’homme), profite des retenues d’eaux en régime d’écoulement lent.
Les barrages favorisent donc la prolifération de cette espèce invasive inféodée à ce type d’habitat.

Retrouvez de nombreuses informations sur le site du SAGE Vire

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