L’érosion du trait de côte est inéluctable
avec le réchauffement climatique
Gouville-sur-Mer, un cas d’école :
Se balader sur la plage de Gouville-sur-Mer permet de juger de l’inefficacité des barrages mis en place par les élu-e-s de la commune pour tenter d’endiguer la montée des eaux lors des grandes marées afin de protéger ce qui reste de dunes.
Ce qui est advenu des sacs remplis de sable laisse présager de ce que deviendront les géo-tubes installés (boudins de plastique emplis sous forte pression de sable) il y a deux ans. La plupart ont éclaté et se désagrègent en filaments, polluant de fibres plastiques un peu plus encore la mer.
Récemment, la maire constatait, contrite, l’inefficacité de ces boudins présentés à l’époque comme une solution viable, voire pérenne pour reconstituer la dune et permettre la remontée du sable au-delà de 2.50 mètres. Néanmoins, elle envisage de doubler la hauteur des géo-tubes. Elle ne tient pas compte des essais non concluants d’empilement des sacs de sable (ils seraient aujourd’hui sur 7 nivaux !!) qui laissent deviner la suite pour ces nouveaux travaux qu’elle prévoit.
La montée des eaux est inéluctable, liée au réchauffement climatique, avec pour conséquence l’érosion accélérée des protections naturelles telles que les cordons dunaires. C’est ce qu’affirme le tout nouveau GIEC normand (Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat) dans un article paru dans la Manche Libre (28 octobre 2019, page 3 du grand cahier).
Il est donc vain de penser que déplacer des quantités astronomiques de sable ou de continuer les enrochements en catastrophe comme cela a été réalisé avant les marées de fin octobre, permettra de protéger des installations qui sont appelées à subir les assauts de la mer dans des délais sans doute rapprochés.
La commune s’entête à protéger les deux campings du chemin du Beau rivage, campings que n’en ont que la dénomination puisque l’un, municipal, n’affiche que 38 places de camping pour 175 mobil-homes, et l’autre 10 places pour 150 mobil-home, autant d’installations fixes qui posent la question du respect des règles d’urbanisme.
La zone conchylicole est également menacée. Faut-il rappeler que Manche-Nature avait soulevé, lors de sa création, les risques inhérents à son installation dans des zones de marais tant pour la biodiversité que pour leur rôle tampon lors des grandes marées. Cette fonction est d’ailleurs rappelée dans un article paru le 06 décembre dernier dans Ouest France (page 3) et intitulé « Le niveau des mers va monter, l’Ouest s’y prépare ».
Les nouvelles communautés de communes se mobilise(nt)… raient ?
Depuis 2014, les communautés de communes du littoral Ouest Cotentin travaillent de concert pour élaborer un projet « Notre Littoral pour demain » pour anticiper les conséquences du changement climatique pour la Côte des havres qui s’étend de Barneville-Carteret à la Vanlée. Ces havres représentent une unité géographique avec ses interactions hydro-sédimentaires (direction des courants et du sable qu’ils charrient) qui doivent être prises dans leur ensemble.
Les constats qui émergent de la première partie du travail ne peuvent qu’être partagés :
- Chaque aménagement côtier a un impact sur l’ensemble, ainsi les ouvrages en dur (enrochements, bétonnage…) renvoient l’érosion aux territoires voisins tout en subissant un travail de sape dans leurs fondements ;
- L’érosion concerne la quasi-totalité du littoral et même s’il existe des variations saisonnières marquées par des périodes « d’engraissement » ou « de dégraissement » ; la montée du niveau marin laisse peu de doutes quant au recul du trait de côte d’ici la fin du siècle ;
- Les fleuves qui charrient moins d’alluvions vers les dunes en raison des barrages, de leurs endiguements ou du curage de leurs berges ne font que conforter cette tendance ;
- La fragilisation des dunes favorise les phénomènes de submersion lorsque les grandes marées s’allient à des conditions météorologiques défavorables (vent d’ouest, rafales, passage d’un front froid ou basse pression atmosphérique) ;
- L’élévation du niveau marin laisse craindre la salinisation accrue des nappes d’eau douce y compris dans les secteurs arrière-littoraux.
Il résulte de ces constats, que les études menées amènent à projeter les aléas d’érosion et de submersion à moyen et long terme (20, 50 et 100 ans) et leurs conséquences pour l’habitat, la conchyliculture, la pêche, l’agriculture (4300 hectares seront soumis aux aléas de la submersion d’ici 20 ans), le tourisme, les activités de loisirs, les réseaux et les infrastructures. Il est à noter que rien n’est dit sur les conséquences pour la biodiversité.
Une délégation de Manche-Nature a assisté à la réunion de restitution de cette première étape qui s’est tenue début décembre à Agon-Coutainville. Il a bien été affirmé qu’il fallait d’ores et déjà envisager le retrait de nombre d’activités du littoral proche, ce sur quoi nous sommes d’accord bien que les échéances n’aient pas été données. Ont été, également, soulignés les intérêts contradictoires auxquels devront se confronter les politiques et l’indigence des financements pour faire face aux enjeux.
Dans l’attente de l’adoption d’un plan stratégique pour faire face à ces évolutions, nous avons quelques inquiétudes à la fois sur les premières propositions qui émergent ou sur la teneur des débats et des interventions.
Ainsi, il semble qu’en attendant, les représentants des communautés de communes, des municipalités, des professionnels, des résidents du bord de mer souhaitent continuer les travaux d’enrochement, de bétonnage, de déplacement de sable, et autres travaux inutiles pour protéger des zones de toutes façons condamnées. Ces choix conduisent les responsables du projet à proposer l’extraction de sable dans les havres en menaçant leur biodiversité encore riche.
De plus, dans un contexte où la loi Littorale est de plus en plus mise en cause, aucune instance, des communes, au Département, en passant par les communautés de communes ou la Préfecture n’affirme sa volonté d’instaurer un moratoire pour éviter notamment toute implantation nouvelle sur ces territoires reconnus fragiles.
Le Président de la communauté de communes « Coutances, Mer et Bocage » a dit souhaiter rencontrer Manche-Nature. Nous ne manquerons pas de lui soumettre cette idée de moratoire le temps de la finalisation du projet « notre littoral pour demain ».
Nous l’inciterons tout autant à bloquer toutes interventions humaines qui impacteraient durablement le territoire, le temps de l’élaboration du PLUI de la communauté de commune. Par exemple, le « développement » des routes, l’artificialisation des espaces agricoles ou la destruction des haies.
Alain Millien. 14.12.2019