Arasement des barrages sur la Sélune

Cet article retrace l’histoire du projet d’arasement des barrages sur la Sélune et les positions prises par Manche-Nature avec les liens pour comprendre les tenants et aboutissants de ce dossier important.

Sommaire

Manche-Nature a pris part au débat permettant de redonner libre cours à Sélune avec le projet de démantèlement des deux barrages qui entravent son lit : Vezins et La Roche-qui-Boit.

L’objectif d’atteindre le bon état écologique en redonnant la libre circulation pour tous les poissons migrateurs est un enjeu important et symboliquement fort face à  la perte de biodiversité actuelle.
Dès 2009, nous avons diffusé un communiqué de presse en appui à ce projet ambitieux et courageux (A lire ici).

Le fait que les barrages produisent une énergie renouvelable ne doit pas nous dispenser de regarder l’analyse coûts-bénéfices de ces deux ouvrages. Les études engagées ont démontré que l’impact réel sur l’environnement est bien trop important face à la production électrique. Cette énergie « manquante » doit pouvoir être remplacée par d’autres sources renouvelables après avoir mis en place une politique volontaire de réduction de la consommation : les meilleurs kilowatts sont ceux que l’on ne consomme pas !

Barrage de Vezins (Photo J-P Doron)

Barrage de Vezins (Photo J-P Doron)

Soutien actif au projet

Nous avons adhéré au collectif des Amis de la Sélune et, sur le site créé pour l’occasion, vous pourrez retrouver l’historique et un argumentaire en faveur de l’arasement des barrages. Nous sommes intervenus lors de l’enquête publique et vous pouvez lire nos observations sur ce courrier envoyé à la commission d’enquête en octobre 2014. Retrouvez également le dossier de l’effacement des barrages de la Sélune sur le site de la Préfecture.

Le sujet a donné lieu à de nombreux échanges, particulièrement par voie de presse. (Voir notre communiqué de presse)

Avis favorable de la Commission

Fin novembre 2014, la Commission d’enquête a donné un avis favorable à la demande d’autorisation au titre de la loi sur l’eau de l’opération de démantèlement des barrages de Vezins et de la Roche-qui-Boit. Cette décision couronne ainsi plusieurs années de concertation pour la définition d’une nouvelle gouvernance de l’eau à l’échelle du bassin versant de ce fleuve côtier de la baie du Mont-Saint-Michel. Vous pouvez retrouver sur le site de la Préfecture les différents rapports, mais voici un extrait des conclusions de la commission d’enquête :

« Le projet, tel qu’il est conçu, nous semble la seule solution viable pour atteindre, les objectifs fixés par les règlements nationaux et européens. Il permet ainsi la restauration de la continuité écologique et celle de la qualité de l’eau. L’arrêt des barrages diminue à la marge le potentiel de production hydroélectrique national. Spécifiquement non remplacée, cette production sera néanmoins compensée par l’arrivée d’autres sources d’énergies renouvelables ou réduite dans le cadre des économies d’énergie. »

« La qualité des eaux de la baie du Mont-Saint-Michel a tout à gagner avec l’arrivée d’un cours d’eau retrouvant sa dynamique naturelle et des eaux de meilleure qualité. La Sélune transporte depuis toujours les sédiments arrachés à l’amont, avant de les rejeter dans la baie et ce phénomène est immuable. »

 

La Presse de la Manche du 29 novembre 2014

La Presse de la Manche du 29 novembre 2014

Ouest-France du 2 décembre 2014

Ouest-France du 2 décembre 2014

Remise en cause par la Ministre de l’Écologie

À l’occasion de son déplacement le jeudi 4 décembre 2014 au Mont-Saint-Michel, Madame Ségolène Royal s’est rendue sur le site pour rencontrer les élus et, à la surprise générale, la Ministre de l’Écologie a cédé aux pressions des opposants en remettant fondamentalement en question le processus engagé depuis 1986 et toutes les précédentes décisions ministérielles successives : la Ministre demande des études supplémentaires !
La réaction du collectif Les Amis de la Sélune ne s’est pas faite attendre et par un communiqué de presse il a fait part de son indignation. Certains opposants se sont bien sûr félicités de cette surprenante décision remettant en cause toutes les études et le processus démocratique engagé depuis de longues années.

Ouest-France du 6 décembre 2014

Ouest-France du 6 décembre 2014

Notons également l’avis très argumenté émis suite à cette décision ministérielle par le Conseil scientifique du patrimoine naturel et de la biodiversité.

Une nouvelle étude est donc demandée par le Ministère de l’Écologie au Conseil général de l’économie, de l’industrie et de l’énergie et au Conseil général de l’environnement et du développement durable.

Ouest-France du 19 décembre 2014

Ouest-France du 19 décembre 2014

Présentation du nouveau rapport

Le 27 avril 2015, nous avons été invités par la préfecture à la présentation par les experts du CGIET et du CGEDD du rapport remis à la Ministre. (Retrouvez le rapport sur le site du CGEDD)

Madame la Préfète et les quatre experts siègent face à une assemblée de 60 personnes.
Parmi l’assemblée, on note la présence de plusieurs élus : le député Huet, le sénateur Bizet, le conseiller régional Dufour, des maires et conseillers régionaux du sud Manche et le représentant des conchyliculteurs, le représentant des pêcheurs ainsi que celui de Manche-Nature.

La préfète présente la réunion puis les experts disent leurs conclusions. Ensuite on demande aux invités de poser des questions. En réalité ce ne sont pas des questions qui sont posées, car chacun dit ou lit ce qu’il a sur le cœur ! Les réponses des experts à “ces professions de foi” sont groupées mais rapides et très efficaces.

Conclusions rapides

  • Maintien de la production électrique ? La production actuelle ne permet que de payer les salaires des agents d’EDF travaillant sur place ! Si une nouvelle structure reprenait l’activité à la place d’Edf le mégawattheure lui reviendrait à environ 200 € et ne serait revendu que 50 € !
  • Assurer la libre circulation des poissons migrateurs ? Impossible à réaliser !
  • Lutter contre la pollution par les cyanobactéries en brassant l’eau des lacs (aération) : là on rencontre 2 problèmes, le coût et aussi le réchauffement de l’eau en aval des barrages.
  • Inondations : les barrages n’ont pas la capacité d’empêcher les crues ou de réduire leur importance.
  • Coûts : les vidanges, maintien ou pas, ne peuvent être faites à minima et coûteront environ 12 millions d’euros ! Si l’on décide d’effacer les barrages les travaux d’arasement et de “nettoyage” de la vallée s’élèveront à 32 millions d’euros. Ces financements sont d’ors et déjà assurés (pas d’argent à trouver). Par contre si l’on maintient les ouvrages (maximum 40 ans), le coût réparti au cours des années sera beaucoup plus élevé : entretien des barrages, vidanges à effectuer et démantèlement final.

Notons que dans son intervention le sénateur Bizet s’est prononcé pour l’effacement des barrages et de façon très efficace !

  • La libre circulation des migrateurs dans la Sélune est un enjeu national, européen voire mondial.
  • Si elle n’est pas assurée, la France devra payer une astreinte de 10 à 15 millions d’euros par an.
  • Qui va payer l’entretien des barrages et payer les vidanges, car la production d’électricité n’est pas rentable ?
  • La pollution des lacs (cyanobactéries) va compromettre gravement l’avenir de la Mazure.
  • On a actuellement la possibilité d’avoir des aides et le financement est assuré, mais cette opportunité ne va pas durer si on attend trop.
  • Selon lui, le plus grand problème est de faire admettre le changement de cadre de vie.

Les locaux (à part le député Huet et quelques irréductibles) ont l’air d’être plus raisonnables et semblent maintenant admettre l’effacement.

Les échos dans la presse

Il semble que le député Huet n’ait pas assisté à la même réunion que nous ! En effet, il se félicite de « cette demi-victoire »…

Ouest-France du 7 mai 2015

Ouest-France du 7 mai 2015

Alors que bon nombre d’acteurs présents ont compris que les conclusions de la tierce expertise étaient loin d’être favorables au scénario de maintien des barrages et de renouvellement d’une concession de 40 ans, seul et sans doute « mal entendant », le député d’Avranches persiste dans son déni.

Heureusement, d’autres journalistes ont assisté à l’exposé des experts. Ainsi l’article de La Presse de la Manche explique bien les conclusions du rapport et montre très bien également l’entêtement et l’étroitesse d’esprit du député Huet. La proposition de déplacer les poissons en camion, montre qu’il n’a rien compris au problème : c’est risible ou lamentable, au choix.

La Presse de la Manche du 14 mai 2015

La Presse de la Manche du 14 mai 2015

Le reportage de France 3 Basse-Normandie (JT du 13 mai 2015) était très orienté en n’exposant que les propos du député Huet : le rapport n’apporte rien de nouveau. Décidément, peu de journalistes ont pris le temps d’assister à la réunion des experts ni même lu le rapport.

Nous attendons avec impatience l’arbitrage politique définitif de la Ministre. En tout état de cause, il ne peut y avoir de compromis : c’est soit le choix énergétique, soit le choix biodiversité. Il n’y a pas d’autre scénario possible.

Au vu des rapports et de tout le travail accompli, une décision s’impose : l’arasement des barrages pour que la Sélune retrouve son lit naturel et ainsi un bon état écologique.

Autres liens utiles

Actu-Environnement : Destruction des barrages sur la Sélune : Ségolène Royal demande des expertises

Goodplanet : Oui au démantèlement des barrages sur la Sélune

Inter-SAGE de la Baie du Mont-Saint-Michel : L’effacement des barrages de la Sélune

RiverNet : Campagne pour le démantelement des barrages la Roche qui boit et de Vézins (Sélune, Manche)

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