Voilà une affaire qui a fait couler beaucoup d’encre dans la presse locale. Devant les difficultés à nous faire entendre et les mensonges et contre-vérités qui ont été dites ou écrites, il était indispensable pour nous de faire le point.
M. Cerbonney s’installe en 2001 et conduit son élevage de moutons à peu près normalement jusqu’en 2009, tout en ayant un projet de construction d’une bergerie.
Son projet se situe dans un espace remarquable du littoral. Ces espaces sont limités sur le territoire des communes littorales et, au-delà des questions paysagères, leur caractère naturel doit être strictement préservé. C’est la raison pour laquelle le législateur est venu encadrer les possibilités d’aménagement pour lutter contre leur artificialisation. Seules sont admises les constructions légères et de faible dimension. Les bâtiments plus importants, comme le projet de construction en question, doivent être installés en dehors des espaces remarquables du littoral.
De ce fait, de 2002 à 2009, il n’a pas obtenu de certificat d’urbanisme positif et il a essuyé quatre refus de permis de construire pour non respect de la loi Littoral. Son ami sénateur ne reste pas inactif et une réunion est organisée sur son projet à la sous-préfecture d’Avranches. Mais l’Administration résiste. Alors changement de tactique en 2009, l’éleveur essaie la stratégie du fait accompli. Après ses 4 refus de permis de construire, il passe outre et engage les travaux de construction sans autorisation.
La gendarmerie constate les faits et en informe le Procureur de la République. (La DDE avait dressé un 1er PV d’infraction en 2006 pour des travaux de remblai et déblai irréguliers, classé sans suite du fait d’une remise en état). Alors que Manche-Nature n’est toujours pas intervenue dans cette affaire, le risque de poursuites judiciaires conduit le maire de Genêts à céder à la pression de M. Cerbonney et ses amis, et à délivrer, le 29 août 2011, un permis de construire de régularisation, qu’il sait illégal après la commission du délit. La manœuvre réussit, le Procureur se fonde sur ce permis de régularisation pour classer sans suite le PV des gendarmes.
Avant la délivrance du permis, il a fallu consulter la Commission des sites, laquelle, après un premier avis négatif, finit, elle aussi par donner un avis favorable, avec 6 voix pour (la voix du préfet comptant double) et 6 abstentions plus une voix contre, celle de Manche-Nature. Notons que notre représentant avait demandé un vote à bulletin secret, mais cela lui a été refusé. Ce vote très partagé traduit le malaise.
Le ministère de l’écologie donne son accord, non pas au titre de la loi Littoral, mais au titre de la législation sur les sites classés, accord qui ne constitue donc nullement un brevet de légalité au regard de la loi Littoral.
Ce permis de régularisation est alors contesté par Manche-Nature et, évidemment sans la moindre surprise, annulé par le Tribunal administratif de Caen, jugement confirmé en appel et en cassation.
Au passage notons que la commune de Genêts a fait payer au contribuable local des frais d’avocats non négligeables pour défendre un permis de construire qu’elle savait illégal, et qui n’avait pas d’autre objet que de tenter de couvrir un délinquant sachant parfaitement ce qu’il faisait en construisant sans permis de construire. Il aurait mieux valu que la commune l’aide à trouver un terrain adapté.
Malheureusement, la Mairie de Genêts tente actuellement une manœuvre désespérée pour soutenir le délinquant, modifier son PLU pour le rendre conforme à la bergerie existante. Cette modification, qui a un coût pour le contribuable, est évidemment vouée à l’échec. La loi Littoral s’impose au PLU, et toute modification en ce sens serait immédiatement jugée illégale par les juges administratifs, non seulement pour violation de la loi Littoral, mais encore pour détournement de pouvoir, voire complicité du délit de construction sans permis de construire.
Bien que Manche-Nature a subi de forte pressions dans cette affaire, elle n’hésitera pas à poursuivre le berger s’il ne procède pas de lui-même à la remise en état des lieux. Le berger écrit dans son dossier qu’il n’y aura qu’une seule entrée et une seule sortie par hiver pour les brebis. La proximité immédiate des herbus n’est donc nullement justifiée pour cette construction. Il est très important d’obtenir le déménagement de cette construction qui n’a rien à faire en espace remarquable du littoral, pour éviter que ce passage en force extrême ne serve de modèle à d’autres exploitants. Ceux qui respectent la loi ne doivent pas devenir les victimes de cette affaire. (Voir Combat Juridique n°85 – décembre 2014)
Manche-Nature a toujours été favorable à l’activité d’élevage d’agneaux de pré-salé. Elle a d’ailleurs été sollicitée dans le cadre de l’élaboration de l’AOP. Comme indiqué ci-dessous dans l’historique de cette affaire, elle avait alors proposé de matérialiser sur un plan les zones où des bâtiments, tel que la bergerie de Genêts, pouvaient être réalisés près des herbus mais en dehors des espaces remarquables du littoral.
Lisez le jugement de la Cour administrative d’appel de Nantes
Historique de l’affaire de la bergerie illégale de Genêts
Acte 1
- Octobre 2001 : installation de M. Cerbonney comme éleveur de moutons de prés-salés (Vains).
- 26 novembre 2001 : demande de certificat d’urbanisme sur un terrain situé à Genêts en espace remarquable du littoral.
- 27 mars 2002 : avis négatif de la DDE pour le certificat d’urbanisme. Motif : non respect de la loi Littoral.
- 10 avril 2002 : demande de permis de construire sur le même terrain.
- 31 mai 2002 : rejet de la demande de permis de construire.
- 24 mai 2004 : nouvelle demande de permis de construire toujours sur le même terrain.
- 12 juillet 2004 : rejet de la nouvelle demande de P.C.
- 2005 : demande de desserte électrique.
- 27 décembre 2006 : procès verbal de constat d’infraction par la DDE (travaux de remblai et déblai, installation de tunnels et d’une habitation légère de loisir sans déclaration préalable et contraire à la loi Littoral.
- Classement sans suite par le parquet du fait du démontage des tunnels et de l’enlèvement de l’habitation légère de loisir.
- 11 janvier 2007 : nouvelle demande de permis de construire sur le même terrain à laquelle l’administration ne donnera pas suite.
- 14 février 2007 : courrier de la DDE au parquet l’informant des infractions constatées ci-dessus.
Commentaire
A cette époque, ce problème de l’implantation des bergeries a fait l’objet de réunions entre Manche-Nature et un technicien qui mettait en place l’AOC.
Nous avions alors proposé que dans chaque commune concernée on matérialise sur une carte les endroits où on pouvait les implanter, au plus près du littoral mais en respectant les lois. Personne n’a donné suite à cette proposition !
L’éleveur, après s’être installé, décide de construire sa bergerie dans un espace remarquable. Logiquement, l’administration refuse.
L’administration résiste aux pressions et fait son travail.
Acte 2
- début 2009 : PV de la gendarmerie pour la construction actuelle sur le terrain inconstructible, sans autorisation.
- octobre 2009 : demande de permis de construire en vue de la régularisation de la construction illégale.
- 27 octobre 2010 : avis CDNPS négatif pour demande non réglementaire (ajournement)
- 14 décembre 2010 : avis favorable CDNPS (1 voix contre, celle de Manche-Nature, 6 pour, la voix du préfet comptant double, et 6 absentions).
- 25 mai 2011 : Manche-Nature dépose un recours contre le permis de construire de régularisation de la bergerie de Genêts. (Voir Combat Juridique 77)
- 27 juillet 2011 : accord du ministère de l’environnement pour la régularisation.
- 29 août 2011 : délivrance du permis de construire régularisant la situation.
Commentaire
L’éleveur berger qui possède de sérieux appuis décide de passer outre et construit sa bergerie en toute illégalité : technique dite « du passage en force ».
Aussitôt la pression sur l’administration devient plus forte : un député, un conseiller général, le ministre de l’environnement et celui de l’agriculture joignent leur voix à celles du sénateur et du maire de Genêts.
L’administration s’avoue vaincue et accepte de légaliser cette construction « spontanée ».
Acte 3
- 28 juin 2012 : annulation du permis de construire par le Tribunal administratif de Caen.
- 11 octobre 2013 : confirmation de l’annulation par la cour administrative d’appel de Nantes suite à l’appel de l’éleveur et de la commune.
- 17 octobre 2014 : non admission des pourvois en cassation de l’éleveur et de la commune par le Conseil d’État.
Commentaire
Après avoir entendu les arguments de l’association, mais aussi de la commune et de l’éleveur, le juge administratif annule le permis pour violation de la loi Littoral (méconnaissance des dispositions relatives à la préservation des espaces remarquables du littoral).