Barrages de la Sélune

Voici le communiqué de presse du 25 juin 2015 émanant du collectif « Les Amis de la Sélune » auquel Manche-Nature participe.

Barrages de la Sélune : un chantier d’expérimentation
de la vindicte populaire

Aux dires du député de la Manche Guénhaël Huet, la Ministre de l’Écologie a suggéré l’organisation d’un référendum pour que la population locale se prononce sur l’avenir des barrages de la Sélune. Le collectif des Amis de la Sélune se félicite de ce bon sens démocratique et demande également dans ce cas à Madame Royal de suggérer l’organisation de référendums pour le projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes, le projet touristique de Roybon, ou encore le projet de champ d’éoliennes offshore du Tréport, et plus généralement pour tous les projets avec des enjeux environnementaux, en substituant à la représentation parlementaire la vindicte populaire.

Le référendum décisionnel local, créé par la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 et récemment mis au goût du jour par François Hollande lors des tensions à Sivens en 2014, est un référendum décidé par l’assemblée délibérante d’une collectivité territoriale afin de soumettre à ses administrés un projet relevant de ses compétences. C’est en soi un progrès démocratique évident quand il s’agit en effet d’un projet d’intérêt local… ce qui n’est pas le cas du projet d’arasement des barrages de la Sélune, l’un des objectifs phares en France de la Directive européenne Cadre sur l’Eau, et de différents plans nationaux engageant l’action et la crédibilité de l’État français :

  • Plan National Anguille 2009 et ses engagements sur 1555 ouvrages prioritaires, dont ceux de la Sélune, pour répondre au règlement européen anguille imposant des mesures sur la continuité,
  • Plan national de restauration de la continuité écologique 2009 avec ses objectifs chiffrés et ses liens avec le Grenelle de l’Environnement et la Trame Verte et Bleue,
  • Stratégie Nationale Poissons Migrateurs 2010,
  • Plan français 2013-2018 de mise en œuvre des recommandations de l’OCSAN (Organisation de Conservation du Saumon de l’Atlantique Nord) en matière de protection, de gestion et de mise en valeur du saumon atlantique et de son habitat, avec ses engagements sur la continuité écologique…

Si ces engagements ne sont pas forcément connus par la population locale, ils ne peuvent cependant être ignorés par la Ministre et le député local ! Il en est de même de la décision de justice du 26 octobre 2010 avec mise en demeure d’assurer la continuité écologique au 31 décembre 2013 qui engage aujourd’hui l’État.

Barrage de la Roche-qui-boit (Photo J-P Doron)

Barrage de la Roche-qui-boit (Photo J-P Doron)

L’ironie de l’histoire veut pourtant qu’on se trouve aujourd’hui dans l’hypothèse d’un référendum local, suggéré d’après Monsieur Huet par la Ministre, donc un référendum d’initiative nationale qui ne dit pas son nom, et pour cause : un tel référendum d’initiative nationale n’existe pas dans les textes. Mais suivons jusqu’au bout la logique démagogique de Monsieur Huet.

Ce référendum sur l’avenir des barrages de la Sélune remettrait en cause à l’évidence tous les principes démocratiques et ne résoudrait en rien les problèmes liés à ces barrages.

D’abord parce qu’il n’est pas difficile d’imaginer qu’un tel référendum mobiliserait d’abord les opposants à l’arasement.

Ensuite parce que dans l’hypothèse d’une organisation de ce référendum par la Communauté de communes Avranches – Mont-Saint-Michel présidée par Monsieur Huet, serait nécessaire en amont un important travail d’information objective et d’éducation pour expliquer aux citoyens tous les enjeux du projet… devoir auquel a manqué jusque-là la Communauté de communes pour un problème pourtant posé depuis déjà de longues années.

Enfin parce qu’une issue favorable au maintien des barrages ne réglerait en rien la question de leur avenir. Désormais sans concession, qui gérerait ces barrages ? Qui les entretiendrait pour éviter qu’ils ne deviennent trop dangereux ? Qui s’occuperait de leur vidange, et avec quelles précautions pour éviter une nouvelle catastrophe écologique avec une pollution de la Baie du Mont-Saint-Michel comme en 1993 ? Et finalement qui paierait ? Monsieur Huet ? Les Amis du Barrage ?

Mais allons vraiment au bout de la logique. Les Amis de la Sélune n’ont pas de position sur le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ou de champ éolien offshore au Tréport, pas plus que sur le projet de barrage de Sivens ou de Center Parcs à Roybon dans l’Isère. Mais pourquoi Monsieur Huet, si inspiré pour la Sélune, n’utilise-t-il pas son mandat de parlementaire pour demander partout des référendums locaux ?

Soyons directs : pour en finir avec l’hypocrisie de Guénhaël Huet, les Amis de la Sélune suggèrent à ce dernier de mettre fin aux débats parlementaires en cours sur le projet de Loi sur la biodiversité dont il devrait demander à la Ministre de l’Écologie, qu’il semble si bien connaître, de signer l’avis de décès tout de suite. L’intérêt général de conservation de la biodiversité va en effet la plupart du temps à l’encontre des intérêts particuliers et court-termistes des parties prenantes locales. Pourquoi donc légiférer sur la biodiversité ? Faisons ainsi économiser des heures de débat à nos parlementaires sur cette Loi.

Et tant qu’à remettre aux citoyens de notre pays la décision finale comme panacée à toutes les polémiques sur des projets d’aménagement les concernant, fussent-ils d’intérêt général et rendus incontournables par des directives européennes ou d’autres engagements internationaux de la France, demandons aussi aux députés comme Guénhaël Huet qui oublient leur fonction de représentation nationale de quitter le Parlement pour laisser leurs électeurs choisir à leur place.

Plus d’informations :

Notre article : Arasement des barrages sur la Sélune

Les Amis de la Sélune

European Rivers Network France

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