Trafic d’espèces sauvages à Sainteny

Des éleveurs de perroquets et de reptiles condamnés

Par un arrêt du 29 septembre 2014, la Cour d’appel de Caen a condamné les responsables des Volières de Ventigny (Sainteny 50500) et de l’élevage de reptiles Exotik’a (Sainteny et Raids 50500), pour violation de la réglementation sur le commerce et la détention de faunes sauvages protégées. Les Volières de Ventigny comptent parmi les 10 plus grands élevages de perroquets de France.

Le commerce de faunes sauvages est une des causes principales de la baisse de biodiversité mondiale. La lubie des nouveaux animaux de compagnie est un marché très lucratif1, en particulier celui de la faune exotique. Les espèces rares et menacées sont recherchées par les éleveurs pour constituer leur cheptel reproducteur. Ces espèces sauvages sont capturées dans leur milieu naturel, sans considération des impacts sur les effectifs.

L’Ara hyacinthe (Anodorhynchus hyacinthinus) est une des espèces de Psittacidae concernées par ce trafic. Il est inscrit en annexe I de la convention CITES (Source : https://species.wikimedia.org/wiki/Accueil)

L’Ara hyacinthe (Anodorhynchus hyacinthinus) est une des espèces de Psittacidae concernées par ce trafic. Il est inscrit en annexe I de la convention CITES (Source : https://species.wikimedia.org/wiki/Accueil)

Une fois arrivés en Europe auprès de leur propriétaire, l’effet exotique est parfois de courte durée. Les animaux sont alors abandonnés dans la nature locale par le propriétaire peu consciencieux. Ces introductions peuvent présenter un risque sanitaire pour l’homme et un risque de déstabilisation écologique pour la faune locale.

En conséquence, le commerce et la détention de cette faune sauvage sont encadrés à l’échelle internationale, européenne et nationale par une réglementation précise. L’origine des animaux doit être certifiée non prélevé dans le milieu naturel. Un marquage doit assurer la traçabilité et faciliter le contrôle des officiers de police. Les élevages doivent être autorisés et tenir un registre documenté des entrées et sorties. Tout détenteur doit être déclaré capable d’assurer les besoins physiologiques de la faune non domestique.

Les deux éleveurs manchois ont été condamnés par la Cour d’appel pour achats, ventes et élevages de spécimens appartenant à des espèces sauvages protégées, en violation de cette réglementation. Le juge a constaté que la tenue des élevages, dont l’un n’était pas autorisé, « ne permet pas de suivre les animaux non domestiques… protégés depuis leur origine, ni de savoir ce qu’il en est advenu avec précision ». Il rappel que « les risques engendrés sont ainsi, non seulement la raréfaction des animaux dans leur milieu naturel, mais la possibilité de dissémination dans un autre milieu que le leur… sans qu’on puisse déterminer quelles en seraient les conséquences ». Le juge a aussi relevé que les prévenus connaissaient parfaitement la réglementation et que leur système d’importation, d’élevage et de vente n’avait rien d’amateur. La responsable des Volières de Ventigny avait déjà fait l’objet de plusieurs verbalisations depuis 2000 par l’ONCFS2 et par la gendarmerie, pour les mêmes faits.

Il conclut ainsi à une certaine gravité des faits reprochés, justifiant la condamnation de cette éleveuse à 8 000 € d’amende et pour l’éleveur de reptiles à 2 000 €. Le juge a également ordonné la confiscation des spécimens litigieux, saisis en 2011, dont l’origine ne peut être justifiée ou dont l’élevage n’a pas été autorisé.

Une somme totale de 7 820 € a été accordée à Manche-Nature en réparation de son préjudice.

Décisions de justice : Tribunal correctionnel de Coutances et Cour d’appel de Caen

© Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (Site France 3 Normandie)

© Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (Site France 3 Normandie)

Seuls 28 oiseaux sur 71 ont été remis au centre de soins désignés par les juges

A la suite de cette décision, les juges se sont prononcés le 2 mars 2015 sur la destination des animaux saisis. Dans le respect des procédures et du bien être animal, ils ont été confiés au centre de soins de la faune sauvage « Alca Torda », situé dans le sud-ouest.

Toutefois, le 7 juillet 2015, lors de la confiscation, seuls 28 oiseaux vivants sur 71 concernés ont été remis aux officiers de polices judiciaires (ONCFS et gendarmerie), accompagnés du représentant capacitaire du centre de soins. Les autres, pour une majorité, ont été présentés morts par la responsable des Volières de Ventigny, et quelqu’uns manquaient à l’appel.

Outre l’opacité dans laquelle est géré l’établissement « Les Volières de Ventigny » (confer supra), le nombre importants d’oiseaux morts, entre le début de cette affaire (2011) et la venue effective des agents de police pour l’enlèvement des animaux saisis (2015), pose question sur les conditions de détention des oiseaux au sein de cet élevage, et sur la capacité de l’éleveur à s’en occuper.

Les 28 oiseaux rescapés sont aujourd’hui soignés au centre de sauvegarde d’Alca Torda, ayant l’habitude de l’entretien de ces espèces si particulières et fragiles.

Quant aux spécimens manquants, manifestement, ils sont sortis de l’élevage en toute illégalité. Leur origine ne pouvant être justifiée, et ces individus ayant fait l’objet d’une confiscation sur place (à l’élevage) pendant l’instruction du dossier devant la justice, ils ne pouvaient être cédés à titre onéreux ou gratuit.

Manifestement, la responsable des Volières de Ventigny n’est pas prête à se conformer à la loi, ce qui justifierait maintenant la fermeture de son élevage et le révocation de son certificat de capacité à élever et entretenir des psitacidés.

A ce jour, Manche-Nature envisage les actions utiles dans le cadre de cette affaire, auprès de la justice et des administrations compétentes.

L’affaire dans la presse

France 3 normandie

Ouest-France

La Presse de la Manche

1Troisième trafic mondial en terme d’enjeu financier après le trafic d’armes et de drogues

2ONCFS : office national de la chasse et de la faune sauvage

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